Devant une salle comble, où l'on a pu apercevoir des membres de l'équipe de Leitmotiv, et les compositeurs Bruno Coulais et Cyril Morin, le compositeur oscarisé Gabriel Yared a présenté plusieurs suites extraites de ses plus belles musiques de film, spécialement arrangées pour octuor : LE PATIENT ANGLAIS, RETOUR A COLD MOUNTAIN, LE TALENTUEUX MONSIEUR RIPLEY et L'AMANT. Toujours à l'affût de nouveaux talents, le compositeur, assis au piano, a confié l'interprétation de ces quatre pièces à de jeunes instrumentistes prometteurs: le quatuor à cordes Echo, une contrebasse, un hautbois et un cor anglais. L'arrangement de ces morceaux écrits à l'origine pour orchestre symphonique rendent justice au talent de ce compositeur hors pair, dont la grâce et le raffinement d'écriture, hérités de Jean-Sébastien Bach, se révèlent, lumineux, à chaque instant : dans l'élégance du PATIENT ANGLAIS, dans la simplicité de RETOUR A COLD MOUNTAIN, dans les rythmes implacables du TALENTUEUX MONSIEUR RIPLEY et dans la douceur romantique de l'AMANT. L'harmonie apparaît ici comme un écrin somptueux à des mélodies habitées. Gabriel a achevé ce très beau concert en interprétant au piano le thème de 37°2 LE MATIN.
Puis, pendant une heure, il s'est entretenu avec Vivien le Jeune, rédacteur en chef de Cinéfonia. Retour en image sur sa collaboration avec Anthony Minghella et Jean-Jacques Annaud : projection de la scène où Juliette Binoche, suspendue à une corde, découvre de très vieilles fresques dans le PATIENT ANGLAIS (musique « balancée » de Yared), de la séquence de la salle de bain dans LE TALENTUEUX MONSIEUR RIPLEY (un morceau rapide, écrit en dehors de l'image, mais qui a trouvé sa place dans le film), d'une scène où Nicole Kidman, dont Gabriel Yared loue les qualités de musicienne, joue du piano dans RETOUR A COLD MOUNTAIN, et enfin de la célèbre séquence où les mains des amants se rejoignent dans l'AMANT, illustrée par un « arpège » sur une gamme indochinoise.
Cette soirée mémorable s'est achevée avec la projection de CAMILLE CLAUDEL.
CINEZIK : Comment s'est passé le travail en amont avec Gabriel Yared?
QUATUOR ECHO : Nous avons reçu les partitions par l'intermédiaire de sa secrétaire, ainsi que des CDs contenant quelques unes des musiques d'orchestre. On a travaillé là dessus, avec la partition, avant de rencontrer les trois autres musiciens. C'est seulement le 1er mars que nous avons rencontré Gabriel. Nous avons fait une première lecture avec lui. Puis nous nous sommes revu samedi matin et dimanche. Nous avons beaucoup parlé de son style également. Nous étions un peu à côté de la plaque au début : trop lyriques, avec un son très chaud, alors que lui voulait quelque chose de plus intime, de plus pudique. Ce qu'il nous a dit est que l'écriture de sa musique parle d'elle même : pas besoin de rajouter beaucoup d'expression instrumentale.
Pour un admirateur de Bach, ce n'est pas étonnant ..
Voilà c'est ça. Il a bien insisté là dessus. On a mis un peu de temps pour capter ça. Egalement, nous avons beaucoup parlé avec lui : nous avons tellement compris le personnage que nous avons mieux appréhendé sa musique.
Connaissiez vous Gabriel auparavant ?
Pas du tout. Les films, nous les connaissions, mais nous n'avions jamais rencontré Gabriel.
Etait-ce la première fois que vous interprétiez de la musique de film ?
Non. La deuxième fois : nous avons interprété des quatuors à cordes de Cyril Morin la semaine dernière. Là c'est une chance que nous avons eu. La musique de Gabriel Yared nous a touché : en déchiffrant, nous avons trouvé cela très beau tout de suite. Ca correspondait à ce qu'on recherchait, à ce qu'on voulait. Quand nous l'avons rencontré, nous avons vu que l'homme correspondait tout à fait à sa musique : le personnage est entier, simple, humble, et d'une culture impressionnante. Nous étions complètement largué quand il nous parlait du deuxième mouvement du quintette de Schumann (Rires) . Il connaît tout par cour. En plus c'est un autodidacte ! Tous les matins, il ouvre une partition de Bach. C'est un passionné, un romantique. Il vit pour la musique. Et pour lui, c'est comme si c'était de l'ordre du divin. Il porte bien son prénom ! (Rires) .
En quoi le travail avec Cyril Morin différait du travail avec Gabriel Yared ?
Ce n'est pas le même personnage déjà: ils n'ont pas le même âge. En fait, on ne peut pas tellement comparer. Mais Cyril prenait tout de même plus de recul par rapport à ces interprètes. Il est moins mystique et beaucoup plus pragmatique : à telle mesure il faut que cela soit comme ça. Comme c'était des quatuors qu'il avait composé depuis une dizaine d'année déjà, Cyril devait se remettre dedans. Il a évolué depuis et il redécouvrait la partition. Techniquement, la musique de Cyril est plus difficile que celle de Yared. On a passé beaucoup d'heures sur ces quatuors.
Ce n'est pas de la musique de film donc.
Non. Ces quatuors ont été repris dans des films. C'est de la musique minimaliste inspirée de Steve Reich, de Philip Glass. C'était beaucoup moins naturel de jouer cela et correspondait moins au répertoire que l'on a l'habitude de jouer, à la formation que nous avons eu tout le long de notre vie : c'était moins parlant mais cela n'enlève rien à la qualité de la musique.
Comment en êtes vous arrivé là?
C'est un pur hasard. Nous travaillons beaucoup avec le quatuor Parisii. Ils nous ont appelé pour Cyril Morin. Puis Pierre Dyens (de L'Archipel) nous a rappelé pour faire ce concert avec Yared. A la base Gabriel devait faire ce concert tout seul mais Pierre a tout fait pour lui trouver des musiciens. C'est une chance d'avoir fait ça, avec Gabriel et Cyril. Ce soir nous avons rencontré des compositeurs qui nous ont filé leur carte en disant qu'ils avaient écrit des quatuors. C'est une grande chance pour nous, qui ne sommes constitués que depuis 6-7 mois. C'est une étape : cela remet beaucoup de choses en question, cela nous a fait évoluer, nous nous posons des questions sur ce que nous allons faire du coup : c'est bien !
Interview B.O : Pierre Desprats (Les Reines du drame, de Alexis Langlois)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)