par Sylvain Rivaud
- Publié le 01-01-2011Un score de Howard Shore pour un film de David Cronenberg est toujours un événement marquant. Bien que le compositeur se soit associé à d'autres réalisateurs comme Martin Scorsese et Peter Jackson au cours des dix dernières années, Cronenberg demeure lié aux débuts de Shore. Leur collaboration a largement contribué à définir le style musical du compositeur, caractérisé par des cordes à la fois inquiétantes et langoureuses. Ce style a également été efficace dans "Le Silence des Agneaux" et dans plusieurs films de David Fincher, tels que "Se7en", "The Game" ou "Panic Room".
Ces dernières années, avec "A History of Violence" et "Les Promesses de l'Ombre", la collaboration entre le réalisateur et le compositeur s'est orientée vers une certaine abstraction, créant un univers presque fusionnel. Dans ce contexte, la musique de Shore devient indissociable des images, mais demeure captivante à l'écran. "A Dangerous Method" ne fait pas exception à cette tendance. Même si la bande originale peut sembler un peu ennuyeuse isolément, elle s'avère fascinante lorsqu'elle est associée aux images du film.
Shore reprend un morceau de Wagner de l'opéra "L'Anneau des Nibelungen", réarrangé par lui-même et interprété au piano par Lang Lang. Ce morceau est l'opéra favori des personnages de Carl Jung, incarné par Michael Fassbender, et de Sabine Spielrein, jouée par Keira Knightley. Cette réinterprétation rappelle le travail de Shore sur "The Yards" de James Gray, où il avait construit sa partition autour de "Saturn" des "Planets" de Gustav Holst.
La musique met particulièrement en avant le piano, instrument intime qui évoque les émotions refoulées des personnages. Le film traite du non-dit, du refoulement et des conflits internes, tant intellectuels qu'émotionnels. La musique de Shore suit ces fluctuations émotionnelles sans jamais en faire trop. Elle reste en arrière-plan, tout en suggérant subtilement l'étrangeté et la noirceur des personnages. Elle intervient également à des moments clés du film, développant un thème récurrent qui s'avère pertinent dans son rôle dramaturgique. Ainsi, Howard Shore ne se distingue pas tant par son inspiration que par sa capacité à épouser parfaitement le film et l'histoire de "A Dangerous Method", confirmant son talent en tant que compositeur de musique de film.
par Sylvain Rivaud
Interview B.O : Pierre Desprats (Les Reines du drame, de Alexis Langlois)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)