Dans son œuvre pour le film situé dans la Roumanie de 1938, Golijov fait preuve d'une finesse exceptionnelle en choisissant des instruments emblématiques tels que le cymbalum, à l'origine tzigane, qui s'accorde parfaitement à l'esprit géographique de l'histoire. Alliant cet instrument à des tonalités d'accordéon et de Kamânche (un instrument à cordes persan), il crée un voyage musical à travers l'Europe de l'Est qui épouse les péripéties du protagoniste du film. L'introduction surprise d'un tango au sein de l'orchestre évoque les compositions des années 1940, rappelant ainsi un heureux mariage entre Max Steiner et Astor Piazzolla, et soulignant le mélange des époques et des cultures.
La collaboration entre Golijov et Coppola se manifeste comme une alchimie rare, mêlant avec intelligence les sons traditionnels d'Europe de l'Est à un ensemble orchestral, pour refléter le choc des cultures, des générations, et du temps lui-même. Le choix judicieux des instruments permet à Golijov d'éviter les clichés et d'offrir une atmosphère unique et étrangement magnifique qui s'entrelace avec les images du film de Coppola, créant ainsi une œuvre à la fois intemporelle et en constante évolution, emplie d'une beauté à la fois fascinante et perturbante.
Ce score, qui se transmue en une riche tapestrie musicale en passant d'éléments orchestraux à des nuances de tango, procure une expérience encore plus enrichissante après le visionnage du film, réveillant la mémoire poétique et historique du spectateur. Certains thèmes musicaux, par leur simplicité, arrivent à évoquer des sujets aussi lourds que le nazisme ou la mort, transformant cette composition en une exploration onirique plus que thématique. La musique de Golijov, captivante dans son essence vivante et populaire, trouve ainsi une résonance particulière dans l'imaginaire du spectateur, le transportant au-delà d'une simple écoute pour devenir une expérience sensorielle et mémorielle unique.
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