Miklós Rózsa a parfaitement saisi l'essence musicale du Moyen Âge espagnol en intégrant des influences médiévales, mauresques et une fusion des deux pour représenter une Espagne divisée. Fidèle à sa méthode, il a construit la partition autour de leitmotivs, avec pas moins de quinze thèmes et quatre motifs.
Le héros, Rodrigo Diaz de Vivar, est représenté par trois thèmes distincts. Le premier, "Rodrigo's Theme", le dépeint avant son ascension en tant que El Cid. Porté par les cordes, il est chaleureux, en mode majeur, avec une noblesse réservée et une subtile aura religieuse qui souligne sa foi. Le thème principal, "El Cid Theme", est une longue mélodie fluide et romantique, teintée d'une tristesse intangible, qui se transforme en une marche martiale et inspirante lors des batailles. Enfin, le "King's Champion Theme", l'un des plus exaltants de la partition, célèbre sa victoire avec des cors majestueux, des cordes solennelles et des carillons cristallins.
Doña Chimene est également représentée par deux thèmes. "Chimene's Theme", un thème gracieux et élégant joué au hautbois solo, sert souvent de prélude au "Love Theme". Ce dernier, considéré par beaucoup comme l'un des plus beaux de Rózsa, est une affirmation de l'amour entre Chimene et Rodrigo. Les cordes chaleureuses et romantiques, accompagnées de cors nobles, expriment la déclaration d'amour de la phrase A et le désir ardent de la phrase B. Joué au violon solo, il devient sublime et poignant. Le thème des jumelles, inspiré du Cantiga No. 322, est une tendre mélodie folklorique jouée à la guitare solo, représentant les filles de Rodrigo et Chimene ainsi que l'amour paternel de Rodrigo.
Les antagonistes ont également leurs propres thèmes. Le thème d'Ibn Yusuf, sombre et menaçant, est porté par des cors imposants et un ostinato répétitif qui annonce ses intentions destructrices. Le thème du comte Ordóñez, biphasique, oppose une phrase de six notes répétée par les cordes à des cors lugubres. Après s'être allié à Rodrigo et avoir trouvé la mort face à Yusuf, son thème est militarisé et accompagne les troupes au combat. Le thème du comte Gormaz, quant à lui, est une longue mélodie portée par les cors, exprimant son caractère direct, réservé et sévère.
La partition est complétée par cinq thèmes secondaires, dont deux thèmes royaux pour les chevaliers, un thème de la foi, un thème pour le prince Sancho et un thème pour l'assassin Dolfo. Quatre motifs viennent enrichir l'ensemble : un motif mauresque, un motif castillan, un motif pour la tour de siège et un motif de la mort. L'enregistrement de la partition, réalisé dans un studio sec plutôt que dans une salle de concert réverbérante, confère à la musique une sonorité vintage qui correspond parfaitement à l'esthétique du film. Malheureusement, Rózsa a découvert avec consternation que 23 minutes de sa partition avaient été coupées lors du montage final, laissant des passages tronqués ou manquants. Malgré ses protestations, le producteur Samuel Bronston Bronson refusa de restaurer la musique, ce qui mit fin à toute collaboration future entre les deux.
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