Philippe Rombi retrouve François Ozon sur cette production franco-allemande avec une partition délicate alliant un piano épuré et des cordes amples pour illustrer le drame intime mélant la grande et la petite histoire.
[© Texte : Cinezik] •
Tracklist (de la BO en CD ou Digital)
1. Chanson d'Automne (poème de Verlaine)
2. Une amitié
3. La promenade
4. La leçon de violon
5. Les tourments
6. Nocturne N°20 en do dièse mineur op. posthume (Chopin)
7. La tranchée
8. Le secret
9. Le départ d'Adrien
10. La lettre de Frantz
11. Quatuor à cordes N°1 op.11 II Andante Cantabile (Tchaïkovski)
12. Paris
13. Les retrouvailles
14. Nuit d'étoiles
15. Le suicidé
[Recueillis par Benoit Basirico
Dans le cadre d'une rencontre organisée par la salle Les Fauvettes (Paris) ]
Sur FRANTZ, François Ozon n'avait pas la nécessité et l'urgence d'avoir une musique très tôt, d'autant que je devais préparer des arrangements d'oeuvres classiques pour le tournage. Il m'a quand même envoyé le scénario à l'avance en me demandant de réfléchir à la musique. Mais le vrai caractère de celle-ci ne s'est révélé qu'en voyant les images. J'avais commencé un premier travail en amont que j'ai mis de côté. Je suis allé ensuite sur le tournage à la frontière polonaise où j'accompagnais mon épouse qui apprenait le violon à l'acteur Pierre Niney. Je me suis retrouvé dans le cimetière si singulier du film où régnait une ambiance et une émotion toute particulière. Après le tournage, le réalisateur m'a appelé pour me demander si j'avais eu quelques idées, sauf que cette fois-ci, l'influence de ce que j'avais ressenti sur le tournage était en train de me faire dévier de mes premières inspirations issues du scénario. J'ai alors demandé à François s'il pouvait me donner quelques images pour affiner mes premières créations tout en lui envoyant quand-même ce que j'avais déjà préparé. Il arrive souvent que François me demande de la musique avant le tournage, et c'est toujours un pari osé pour moi car en ne voyant pas le film, je ne peux pas avoir la prétention d'être sûr d'avoir trouvé le ton exact. Je fais une première esquisse, puis ensuite en voyant les images je m'applique à ajuster les couleurs et les nuances de certains morceaux tandis que d'autres conservent parfois leur version d'origine. Pour FRANTZ, quand j'ai reçu les toutes premières minutes du film au début du montage image, cela n'a fait que confirmer mes impressions du tournage : cette ambiance particulière, les sonorités de la langue allemande, le noir et blanc, le rythme de la caméra... J'ai pu quelques jours plus tard proposer une musique plus en équation avec ce que j'avais vu. Le retour de François fut positif, l'ambiance était là et le premier morceau fonctionnait un peu partout dans le film ! Après, le challenge était d'en faire des variations.
Contrairement à UNE NOUVELLE AMIE, l'objectif de départ était cette fois de ne pas avoir un thème principal joué par un instrument soliste (au piano ou au violon par exemple), très identifiable dès le début du film comme j'ai pu le faire parfois, car il fallait laisser cette esthétique au « Nocturne » de Chopin joué par Pierre Niney. A part les quelques notes énigmatiques sur les cartons du début, et le premier flashback, le véritable premier thème du film, celui des tourments d' Adrien (Pierre Niney), est joué par des accords mineurs de cordes assez lents et diffus, qui ne sont pas définissables comme une vraie mélodie mais sur lequel vient se poser un motif de trois notes chromatiques et un peu plaintives. Le second thème, méditatif (et plus mélodieux ) viendra plus tard avec celui d'Anna. Le troisième, plus rythmé, accompagnera l'enquête et le voyage à Paris. Le film demandait une pudeur et une certaine sobriété. Dans le jeu des acteurs, dans l'histoire qui est racontée, dans ses mensonges, ses faux-semblants, cette histoire d'amour contrariée, rien n'est véritablement déclamé, ni démonstratif... Même les images de guerre sont filmées avec finesse. On voit par exemple les ruines à travers le reflet des vitres du train. Quand on écrit une musique tout compte : la façon de filmer, le rythme, la photo... tout m'inspire. Je n'aurais jamais pu dans un film comme celui-ci écrire un grand thème de guerre épique et spectaculaire. La musique est proche de l'intime des personnages. Elle nous accompagne dans leurs états mentaux, dans leurs tourments.
Pour cette nouvelle collaboration avec Philippe Rombi, nous avons décidé qu'au tout début du film, il y aurait une austérité, aussi bien dans la mise en scène que dans l'utilisation de la musique, très peu présente et discrète, jouant sur des tensions dramatiques et un léger suspense. Et petit à petit, l'idée était, qu'en parallèle de l'histoire d'amour qui naît, intervienne une musique plus sentimentale. Cette musique devrait suivre le trajet, les espoirs d'Anna, puis ses désillusions avec de rares bouffées de romantisme dans l'esprit des compositeurs de l'époque comme Mahler et Debussy. Philippe a su encore une fois incarner avec délicatesse et élégance l'essence romanesque et dramatique de Frantz.
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