Alex Beaupain retrouve Thierry Klifa sur grand écran après ses mises en scène théâtrales dans cette comédie policière. Une partition orchestrale luxuriante invite le cymbalum et le piano nostalgique dans un esprit d'aventure tout en se teintant de gravité pour soutenir la trame criminelle. La musique manipule les références, de Michel Legrand à Georges Delerue (pour le cinéma de Jean-Paul Rappeneau et Philippe de Broca), en passant par Henry Mancini (Blake Edwards) ou encore John Barry (James Bond, et le cymbalum). Il compose également des chansons, comme il en a l'habitude depuis ses collaborations avec Christophe Honoré. Fanny Ardant, dans le rôle de Rachel, une mère à la tête d'un gang d'escrocs composé de ses fils et petits-fils, chante "Les Rois de la piste" en générique de fin. Nicolas Duvauchelle, l'un de ses fils devenu une femme, interprète "Juste moi" devant son frère (Mathieu Kassovitz) dans un cabaret. En titre préexistant, on entend "Dès que t'as dit disco t'as tout dit" de Rocky & Vendella.
[© Texte : Cinezik] •
Tracklist (de la BO en CD ou Digital)
1. Les rois de la piste - Fanny Ardant (4:08)
2. Juste moi - Nicolas Duvauchelle (3:16)
3. Les rois de la piste main theme (1:47)
4. Casino (2:11)
5. Départ à Barfleur (1:03)
6. Sarah danse (1:15)
7. Rachel découvre Sarah (3:00)
8. Nathan et Juliette (44)
9. Euphorie (2:45)
10. Les tableaux (2:11)
11. Sur la digue (2:06)
12. Rachel et Henri (3:42)
13. La traque (1:52)
14. Cavalcade (3:33)
15. Valse (1:57)
Un air de Legrand et Delerue
On se connait très bien avec Thierry. Il est très cultivé et très cinéphile – et c’est très agréable, d’autant qu’on a beaucoup de références communes. Il m’avait parlé de son projet, j’avais quand même lu le scénario, j’avais un peu compris déjà vers quoi il voulait aller. On en a beaucoup parlé ensuite. On a évoqué Jean-Paul Rappeneau, Philippe de Broca, Michel Berger qui a signé la musique de TOUT FEU TOUT FLAMME, Michel Legrand celle des MARIÉS DE L’AN II, Georges Delerue celle de L’HOMME DE RIO... Donc quand même assez tôt il y avait cette idée-là, qui s’est forcément éparpillée en cours de route, mais c’était cela le point de départ. J’avais deux, trois trucs comme ça qui me trottaient dans la tête. Pour une fois, j’avais même écrit un thème, certainement le plus mélancolique, que j’avais fait arranger avec des cordes. Sauf qu’après, lorsqu’on s’est mis à vraiment travailler, il a bien fallu s’adapter à ce qu’est le film.
Beaucoup de musiques
Le film fait 1h50 et il y a 1h05 de musique, ce qui est beaucoup. Et il n'y a quasiment que de la musique originale, sauf à un moment lorsqu'ils dansent en boîte. En travaillant, il nous est apparu très vite que pour ce genre de comédie très vif sur le dialogue, sur l'intrigue, sur les évènements qui se précipitent, il était évident non seulement de mettre beaucoup de musique mais aussi qu'on l'entende beaucoup. Parfois on met beaucoup de musique sur un film mais comme une musique d'atmosphère, une sorte de vague musicale en fond sonore, il y a ça dans les thrillers, dans les films de genre ; là, non seulement la musique est très mélodique, c'est-à-dire qu'on entend des thèmes, qu'on peut les chanter, mais en plus elle est censée être constamment en réaction à la réalisation, aux dialogues, aux plans serrés... Il y avait tout un travail à faire qui m'amusait même si... cela prenait forcément énormément de temps ! Cette musique de comédie qui est vraiment à l'image, qui est vraiment aux dialogues, qui est vraiment à l'écran, cette musique un peu précise, on n'en fait quasiment plus.
Des Références américaines
Ensuite, ce qui était très chouette avec Thierry, c'est qu'on est parti de ces références très françaises, Rappeneau, de Broca, etc., et puis petit à petit on en a proposé plein d'autres. Par exemple, face à ce personnage que joue Mathieu Kassovitz, ce personnage un peu lunaire, un peu Inspecteur Clouseau, on a pensé aux comédies de Blake Edwards. En fait, c'est un film où il y a peut-être dix, douze références de B.O.. Il y a une scène de casino ? Eh bien, on va penser à John Barry quand il fait les films de James Bond. Il y a une scène de suspense ? On va mettre des caisses claires et un petit piano à la MISSION IMPOSSIBLE parce que c'est rigolo qu'on puisse comparer cette bande de bras cassés en Normandie aux héros des productions Cruise-Wagner. Il y a une scène plus romanesque sur la plage ? On va commander des cordes qui sont un peu hollywoodiennes qui peuvent faire penser à des films des années 30. Voilà, il y avait l'idée constamment d'être très généreux en terme de références et que ça participe aussi de la comédie. Et au milieu de tout ça, réussir quand même à ce que ce ne soit pas que du pastiche, que des clins d'œil, mais aussi une musique qu'on soit capable d'écouter toute seule, qui ait un intérêt en dehors de l'image. Ce qui est excitant avec Thierry, c'est qu'il comprend cela très bien. Toutes ces références-là, Thierry, il les a, car en plus d'être très cinéphile, il est très mélomane. Sur la musique de films d'ailleurs, il est même beaucoup plus érudit que moi. Il m'évoquait certaines musiques de films d'Alan Pakula ou de Sidney Lumet que je ne connaissais pas. Donc on s'est beaucoup amusés à ça... Et lorsque le spectateur voit Laetitia Dosch en belle robe un peu vamp dans un casino, et que la musique qui commence est un peu « bondienne», il pige tout de suite le truc et ça l'amuse. Et puis, tout d'un coup, en face il y a Mathieu Kassovitz ou Michel Vuillermoz, et donc un petit décalage...
De la mélancolie
Il s'agissait vraiment de faire de la musique de cavalcade, de comédie... on est quand même dans quelque chose à la fois pop et mélancolique, dans des thèmes généralement un peu mineurs, et puis en même temps comme il y a de la pop, dès que c'est rythmé, que ça rebondit, il y a un truc un peu léger, presque un peu sucré. En même temps j'essaie qu'il y ait des contre points, des contre champs, des choses un peu plus souterraines...
Chansons
Nicolas Duvauchelle a eu l'idée de chanter. Il y avait une scène genre cabaret dans laquelle il devait danser, et c'est lui qui a dit : « je ne sais pas danser, pourquoi on ne ferait pas une chanson plutôt ? » Quand quelque chose comme ça m'arrive, je suis bien évidemment ravi. Donc en plein tournage, Thierry m'appelle et me dit : « Tu as deux semaines pour écrire la chanson, l'arranger, puis la faire enregistrer avant qu'il aille tourner. ». Je me suis dit que ça serait joli qu'elle raconte un peu l'histoire de ce personnage en sous-texte, en jouant un peu avec les clichés qu'il peut y avoir dans ce type de cabaret, et puis après, comme c'est Thierry, ça m'amusait de faire un clin d'œil à Almodovar, pour une fois que son film est moins référencé au cinéma d'Almodovar que d'habitude, ça m'amusait de faire revenir Almodovar par la fenêtre à ce moment-là.
Pour la chanson de Fanny à la fin, il y pensait mais c'est moi qui, très vite, ai dit : « J'ai ce thème de casino, ce serait rigolo que Fanny chante une chanson à la James Bond ! ». Avec sa voix, je voyais très bien où je voulais aller, ce que je voulais faire. Avec Fanny, je n'ai pas eu grand-chose à faire non plus. De toute façon, j'adore la faire chanter, je n'envisageais pas de ne pas le faire. Je l'ai faite chanter au théâtre pour les pièces de Thierry, je l'ai faite chanter sur des albums à moi, je l'ai faite chanter dans des spectacles. Elle était venue chanter avec moi "Paroles, paroles" mais on avait inversé les rôles, elle, elle faisait Delon et moi Dalida ! Elle chante bien, elle a joué du piano, elle a une oreille musicale et j'adore sa voix. Je sens qu'elle le fait justement parce qu'il ne s'agit pas de faire un album, mais comme ça presque en passant, par hasard - et ça, ça me plaît. En même temps, je lui ai fait faire dix ou onze chansons, je vais bientôt pouvoir sortir un album ! [Rires]
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