Réalisé par Vincenzo Natali
Avec Sarah Polley, Adrien Brody, Delphine Chaneac
Long-métrage français, canadien.
Genre : Science fiction
Durée : 1h47 min
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Le compositeur français Cyrille Aufort a travaillé pendant un temps en tant qu'orchestrateur pour Alexandre Desplat et a écrit sa première musique de film pour « Hell » de Bruno Chiche en 2006. Un projet ambitieux comme « Splice » de Vincenzo Natali lui offre ainsi l'occasion rêvée de se faire remarquer en élaborant une partition plus riche et ambitieuse que ce qu'il a pu faire sur ses précédents films. Enregistrée à Londres avec le Philharmonia Orchestra, la musique de « Splice » apporte un redoutable mélange d'émotions aux images troublantes du film, entre sensualité, mélancolie, angoisse et tension. On pense parfois à Bernard Herrmann.
[© Texte : Cinezik] • 3700551737697
Tracklist (de la BO en CD ou Digital)
1 . Main Title 03:01
2 . Fred Meets Ginger 01:20
3 . Birth Scene 02:55
4 . Elsa's Theme 02:10
5 . Examining The Baby 01:46
6 . Dren Is Sick 02:09
7 . The Award Winner Is.. 00:40
8 . Fred And Ginger Destroy Each Other 01:00
9 . Taking Dren To The Van 01:26
10 . Arrival At The Farm 01:58
11 . Alone In The Barn 02:05
12 . Dren Grows Wings 01:45
13 . The Cat 02:33
14 . Dren's Tail 02:22
15 . Observing Dren 02:00
16 . Love Scene 02:11
17 . The Burial 01:57
18 . Male Dren 05:00
19 . Epilogue And End 02:19
20. Night And Dren 02:34 (par Richard Pell)
Pour parvenir à ses fins, Aufort a décidé de créer un thème pour Dren (le personnage "hybride" du film), mystérieux et inquiétant, et un thème plus intime pour Elsa (Sarah Polley). Le compositeur mélange alors ces deux thèmes tout au long du film, afin de retranscrire à sa manière l'idée du mélange hybride, de l'expérience scientifique.
Le « Main Title » impose d'emblée le ton mystérieux et
envoûtant du score par le biais d'une mélodie qui prend naissance au
piano et à la flûte avant de céder la place à des cordes sensuelles sur
fond de nappes synthétiques inquiétantes et de quelques sonorités
dissonantes discrètes. L'utilisation de l'électronique apporte ici une
touche atmosphérique impressionnante à la musique dans le film. Le thème
principal - associé à Dren - s'apparente ici à une sorte de valse
envoûtante et mystérieuse qui grandit progressivement tout au long du «
Main Title » avant de finir de façon brutale et agressive : en l'espace
de trois minutes, Cyrille Aufort réussit à personnifier de façon astucieuse
les différents enjeux dramatiques du film de Vincenzo Natali avec une
ouverture très appropriée et aussi très réussie. Dès lors, le ton est
donné. Dans « Fred Meets Ginger », on retrouve cette atmosphère à la
fois inquiétante et sensuelle avec des cordes et des nappes synthétiques
atmosphériques évoquant la création d'hybrides que l'on aperçoit au
début du film. Les enjeux dramatiques sont reflétés de façon plus
intense dans l'inquiétant « Birth Scene », où la fusion
orchestre/électronique opère encore une fois avec brio. Aufort fait
appel ici à quelques effets orchestraux évoquant la séquence de la
naissance chaotique de Dren, la musique nageant clairement en pleine
atonalité - clusters de cuivres, effets aléatoires des cordes - pour
retranscrire efficacement toute l'intensité de la scène. A noter
qu'Aufort utilise pour l'occasion quelques banques de son dont un
glissando progressif de cordes très (trop) utilisé dans la musique de
film.
Le compositeur dévoile le thème pour le personnage de Sarah Polley dans «
Elsa's Theme », thème de cordes mélancolique et envoûtant personnifié
ici par un dialogue entre les différents pupitres des cordes, le tout
sur fond de nappe synthétique - une constante dans la partition de «
Splice ». L'écriture de cordes fait autant penser ici au style de
l'Adagio du « Gayaneh » de Khatchatourian qu'au « Basic Instinct » de
Jerry Goldsmith. Quand à l'idée de la fusion orchestre/synthétiseur,
elle revient dans « Examining the Baby » avec ses différentes sonorités
électroniques étranges et quasi expérimentales, évoquant la création de
Dren. Comme l'explique Vincenzo Natali lui-même dans une note du livret
de l'album, la musique est ici le ciment des deux concepts du film : le
drame et l'horreur. Avec une cohésion étonnante et un professionnalisme
évident, Cyrille Aufort mélange ces différents éléments dans sa musique
avec une intensité constante, qui n'a rien à envier à ses camarades
hollywoodiens - preuve en est qu'il existe de vrais talents en France,
injustement sous-employé par le cinéma français lui-même ! Dans « Dren
is Sick », on retrouve les éléments synthétiques étranges associés à
Dren, et cette sensation toujours inquiétante de naviguer entre
l'angoisse (l'atonalité) et la mélancolie (les notes longues, les motifs
mélodiques intimes, etc.).
L'atonalité et les dissonances sont à
l'ordre du jour dans le chaotique « Fred & Ginger Destroy Each Other
», pour l'une des premières séquences gore du film, lorsque les deux
hybrides se détruisent mutuellement. Aufort n'oublie pas pour autant la
partie mélodique de son travail en reprenant de façon plus pressante le
thème d'Elsa dans « Taking Dren To The Van ». « Arrival At The Farm »
nous propose quand à lui un intéressant travail de sonorités dissonantes
et étranges, toujours à la limite de l'expérimental, un travail qui se
prolonge dans « Alone in the Barn » pour évoquer les sentiments troublés
de Dren, et son envie de sortir de la ferme dans laquelle Clive et Elsa
l'ont enfermé. On retrouve ici le thème de Dren au piano, une valse
mélancolique évoquant à la fois l'innocence et la sensualité perverse de
la créature, avec ses éléments électroniques atmosphériques et
inquiétants.
Les amateurs de sursauts orchestraux et d'atmosphères atonales étranges
en auront ici pour leur argent avec des morceaux comme « Dren Grows
Wings » ou « The Cat ». Le premier met en avant des effets orchestraux
dissonants et avant-gardistes pour l'étonnante scène où Dren fait surgir
des ailes dans son dos et tente de s'envoler, tandis que « The Cat »
mélange de façon troublante le drame et l'horreur avec une première
partie de toute beauté navigant entre piano, cordes, flûte alto et
célesta cristallin (dont les harmonies élaborées et élégantes
rappelleraient presque certaines partitions dramatiques et intimistes de
John Williams). « Dren's Trail » fait rebasculer la musique dans
l'horreur pure avec une utilisation plus remarquable des dissonances et
d'une atonalité chaotique et avant-gardiste. Dès lors, la musique
devient, à l'image du film, perturbante et inquiétante, comme le
rappelle « Observing Dren » ou l'envoûtant « Love Scene » pour la très
dérangeante scène d'amour vers la fin du film, reprenant la valse pour
piano de Dren. La musique atteint son climax horrifique pour la séquence
de l'attaque du Dren mâle dans l'excellent « Male Dren » à la fin du
film, qui lorgne cette fois-ci du côté de Christopher Young ou de
Penderecki.
Cyrille Aufort signe donc une très belle partition pour « Splice », un score oscillant de façon permanente entre horreur et drame avec une intensité constamment renouvelée, le tout sur un mélange hybride orchestre/synthétiseur pour évoquer la créature hybride du film. Le résultat, sans être exceptionnel ni follement original, reste suffisamment spectaculaire pour nous maintenir en haleine jusqu'au bout. La musique d'Aufort n'a donc rien à rougir de certains travaux hollywoodiens du même genre, et révèle un talent certain sur lequel il faudra certainement compter pour les années à venir. Une belle découverte en somme, à écouter en même temps que l'excellent film de Vincenzo Natali !
Cyrille Aufort a également écrit la musique de : Hell (2006) • L'Age de raison (2010) • L'Empire du milieu du sud (2010) • Astérix et Obélix: Au service de sa Majesté (2012) • Ombline (2012) • Un Homme idéal (2015) • La Glace et le ciel (2015) • L'Empereur (2017) • Past Life (2018) • Knock (2017) • Nox (2018) • La Vérité si je mens! Les débuts (2019) • La Maladroite (2019) •
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