La saga INDIANA JONES (Spielberg / Williams) : Retour sur les quatre premiers films de la saga

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par Sylvain Rivaud

- Publié le 04-05-2008




Ces films lorgnent constamment sur le registre de l'aventure, du pur divertissement. En 1981, John Williams vient de terminer L'Empire Contre-Attaque (et c'est peu dire que c'est probablement sa meilleure musique pour la saga Star Wars). Déjà récompensé par plusieurs Oscars (notamment pour Les Dents de la Mer et La Guerre des étoiles), son style orchestral est à son apogée, son inspiration brille à chaque fois. Après un grand film sur les extraterrestres mystico-fantastiques (Rencontres du Troisième Type) et une farce historique sur la Seconde Guerre mondiale (1941), Steven Spielberg souhaite réaliser un film purement divertissant, comme un James Bond par exemple. George Lucas lui propose mieux : un aventurier archéologue nommé Indiana Jones.

Ce sera finalement Indiana Jones (à la demande de Spielberg) et non pas Tom Selleck dans le rôle principal (celui-ci étant occupé par le tournage de la série Magnum), mais Harrisson Ford, tout droit sorti de la folie Star Wars. Avec sa saga intergalactique, George Lucas permet à n'importe qui de retrouver le goût des grands films des années 30 et 40. Désormais, il ancre les personnages de la saga Indiana Jones au cœur de cette époque, confrontés à des objets magiques du passé.

La musique de John Williams est ainsi un subtil mélange de marches héroïques, de passages d'action palpitants et de mélodies mystérieuses évoquant les pouvoirs maléfiques d'objets précieux. Regorgeant de thèmes et de motifs, les musiques de la saga Indiana Jones restent encore aujourd'hui un modèle absolu de la musique d'aventures, tout en étant une prouesse orchestrale inégalée dans le domaine du cinéma (à l'exception peut-être des franchises Star Wars ou Harry Potter, également composées par Williams lui-même !). La sortie d'une nouvelle partition en 2008, développant ou réinterprétant d'anciens thèmes et motifs créés vingt ans plus tôt, a de quoi susciter l'excitation.

Les Aventuriers de l'Arche Perdue (1981)

"Amérique du Sud, 1936", annonce un premier thème inquiétant et obsédant, préfigurant une malédiction ou un lieu sacré à ne pas profaner. Les trompettes arrivent et il n'y a aucun doute : on se trouve bien dans la tradition des films d'aventure de l'Âge d'or : le motif de cuivres utilisé par Williams pour la séquence de l'idole est typique de Max Steiner (King Kong). Le hautbois esquisse les premières notes du thème de l'Arche, qui sera développé plus tard. "Dans le temple de l'idole" est une pièce assez fascinante et étrange, annonçant de nombreuses choses en mélangeant des motifs mélodiques et des notes plus bruitistes. Williams esquisse un thème modal un peu tourmenté évoquant un pouvoir maléfique, rapidement soutenu par des cuivres évoquant l'urgence de la fuite (c'est la fameuse séquence du rocher qui roule).

"Voyage au Népal" annonce à nouveau le thème de l'Arche, de manière plus claire cette fois-ci, tandis qu'une déclinaison martiale et légère de la "Marche des Aventuriers" illustre les images de l'avion se déplaçant sur la carte du globe. Avec les retrouvailles de Marion (une ex d'Indiana), Williams introduit furtivement un thème romantique dans "Vers Le Caire" (qui sera développé plus tard dans "Le thème de Marion"). "La Salle des cartes : Aube" est le développement magistral du thème de l'Arche d'alliance (avec le soutien des chœurs), lorsque Indy découvre l'emplacement de l'Arche à la lumière du médaillon. "Le Puits des Âmes" démontre la capacité de John Williams à créer des sonorités rudes et perturbantes, tandis que "Combat dans l'avion" est la pièce d'action principale du film, pour la scène où Indy affronte un pilote. C'est le premier d'une longue série, chaque film comportant deux à trois pièces d'action majeures. Les cuivres et les percussions sont naturellement mis en avant, avec un rythme martial effréné, où la marche d'Indiana Jones résonne occasionnellement comme pour encourager le héros. L'un des éléments récurrents que l'on retrouvera dans les deux films suivants est un rythme joué par le cor et les trompettes, évoquant un sentiment d'urgence, d'accélération et d'adrénaline (les successeurs de "Combat dans l'avion" étant "La poursuite en wagonnets" dans le 2 et "Scherzo pour moto et orchestre" dans le 3). Finalement, "Le thème de Marion" puis "Exploration de l'Arche" permettent à Williams de revisiter les thèmes ébauchés quelques minutes plus tôt pour impressionner davantage le spectateur, évoquant souvenirs et sensations des événements précédents et des dangers à venir. Et parce que tout finit bien et en apothéose, le film se termine sur la "Marche des Aventuriers", de manière triomphale. Cela deviendra un élément récurrent de la saga.

Indiana Jones et le Temple Maudit (1984)

Là, cela débute vraiment à la manière d'un James Bond, avec smoking, champagne... et chanson ! Kate Capshaw (future madame Spielberg) chante en mandarin "Anything Goes", une chanson glamour de Cole Porter qui ouvre le film. Et cela ne perd pas de temps : "Fast Streets of Shanghaï" démarre rapidement avec un morceau d'action trépidant où les cuivres jouent la même note rapidement puis descendent (ou montent) : c'est l'une des caractéristiques stylistiques récurrentes du style orchestral de John Williams pour ses morceaux d'action. Tout comme dans le premier opus, les motifs rythmiques évoluent, s'interrompent, laissant soudainement place à la "Raiders March" avant de reprendre de plus belle. Le compositeur fait preuve de simplicité et d'efficacité : lorsque le héros apparaît ou réalise un exploit à l'écran, son thème retentit. Pas besoin de chercher plus compliqué.

"Nocturnal Activities" développe un thème romantique (pour le personnage féminin du film), à la fois très classique et sirupeux (le personnage de Willie est une femme respectable assez vaniteuse), tout en étant ponctué de motifs comiques proches du mickey-mousing (c'est la fameuse séquence du campement avec serpents et chauves-souris !). D'emblée, la musique de John Williams annonce le ton de ce deuxième film de la saga : la caricature. Spielberg joue avec tous les clichés à sa disposition pour faire rire et effrayer (car cet épisode est aussi le plus sombre de la saga, celui qui s'approche le plus du film d'horreur). Williams oriente donc progressivement sa partition vers des cordes lancinantes et perturbantes, évoquant l'effroi plutôt que le mystère. Dans "Short Round's Theme", il crée un nouveau motif, assez sautillant, pour le personnage de Demi-Lune, puis introduit le thème majestueux du Temple Maudit.

Dans "Children in Chains", il aborde avec vigueur le thème des enfants esclaves dans les mines en utilisant des enclumes et des chaînes. Le thème du Temple Maudit révèle alors deux facettes : l'une évoque le Temple comme un palais fastueux et raffiné, l'autre comme une prison sanguinaire. Après un impressionnant morceau d'action ("Slalom on Mt. Humol", qui se termine par quelques notes de cythare pour situer le décor en Inde), John Williams compose un étonnant morceau choral pour la fameuse scène du sacrifice ("The Temple of Doom"). Avec presque rien (des chœurs et un gong qui montent en puissance et accélèrent pour finir sur un cri plaintif), il rend la scène insoutenable, évoquant le mal et le pouvoir malsain du prêtre de cérémonie (qui ne cesse d'arracher des cœurs !). Suit un nouvel morceau d'action anthologique pour la scène où Indiana Jones se retrouve sur le tapis roulant avec un costaud : Williams répète le même motif de cuivres jusqu'à créer une tension, puis un dénouement. Et encore de la tension. Et encore un dénouement (une envolée ample de cordes évoquant un soulagement). On pense que c'est fini, mais ça repart de plus belle (nouvelle tension), jusqu'à l'arrivée du thème d'Indy, qui souligne sa victoire et conclut la séquence de manière héroïque.

"Slave Children's Crusade" reprend le thème du Temple Maudit en fanfare (avec toujours un rythme en sourdine qui souligne l'urgence), donnant ici un sentiment de libération, avant d'entamer "The Mine Car Chase", nouveau morceau d'action rempli de pizzicati de cordes, de flûtes et de cuivres qui défilent aussi vite que le décor, dans cette scène hallucinante de course-poursuite en wagons dans la mine. Les notes trépignent et s'accumulent jusqu'à l'excès, le spectateur est emporté par le spectacle, il n'en peut plus ! Ensuite, c'est le final grandiose, le clou du spectacle : retour de la "Raiders March" dans un générique de fin très classique, sous la forme d'une suite reprenant tous les thèmes de la bande originale.

Indiana Jones et la Dernière Croisade (1989)

Flashback : des cordes persistantes illustrent un paysage ensoleillé et désertique. Des scouts en shorts se promènent : un motif doux de cordes les accompagne. Retour sur terre : la croix de Coronado surgit de la poussière, accompagnée d'un thème majestueux. Et voilà, un objet, un thème, à chaque fois ! Le thème de la croix dominera les dix minutes suivantes et symbolisera l'objet même de la quête de toute la séquence d'ouverture, ponctuée d'incidents savoureux souvent orchestrés légèrement et sautillants, comme pour évoquer la jeunesse d'un héros. Rien n'est laissé au hasard, pas même l'annonce du thème du Graal, esquissé ici en deux secondes (toutes les occasions d'annoncer et de répéter un thème sont bonnes à prendre).

"Schertzo pour moto et orchestre" (piste 3 du CD mais présenté bien plus tard dans le film) est la pièce d'action clé de cette troisième bande originale d'Indiana Jones, sous la forme d'un scherzo comme son nom l'indique ! Tout en développant une nouvelle mélodie, John Williams utilise encore et encore le thème des nazis (exposé précédemment dans le film, bien sûr), puis le déconstruit, le répète partiellement, alors qu'à l'écran le nombre de nazis poursuivant Indy et son père diminue. C'est simple, radical et efficace. Tout simplement brillant.

Le thème du Graal est ouvertement exposé dans "Ah, Rats!!!" lorsque Indy découvre la tombe du chevalier dans les égouts de Venise. "Escape from Venice" développe un nouveau motif d'action (avec des éléments locaux pour Venise), puis vient la séquence du duel sur le bateau qui dérive vers l'hélice d'un paquebot : un "remake" de la scène du tapis roulant dans le film précédent. Williams marque à nouveau sa partition de rythmes martiaux aux cuivres, créant tensions et résolutions. "No Ticket" est l'occasion pour Williams de créer un thème malicieux pour la scène où Indy et son père embarquent clandestinement dans un Zeppelin. À noter que ce même thème sera réutilisé plus tard par Williams dans Harry Potter et la Chambre des Secrets pour le personnage de Gilderoy Lockhart, étrangement à peine déguisé...

"The Keeper Of The Grail" permet à John Williams de faire doucement ressortir la magie et le mystère du Graal, développant subtilement le thème présenté précédemment en ajoutant des cordes scintillantes qui évoquent l'aspect mystique et spirituel de l'objet. Le morceau suivant ("Keeping Up With The Joneses") développe un thème commun au père et au fils Jones, une mélodie à la fois touchante et légère qui suggère la complicité des deux hommes. Ensuite, le motif de "Scherzo pour moto et orchestre" revient de manière déguisée dans "Belly Of The Steel Beast", autre pièce d'action anthologique qui passe en revue une quantité incroyable de thèmes et motifs, créant un sentiment de cacophonie générale en accord avec ce qui se passe à l'écran (c'est la séquence de la poursuite à cheval et en char). Dans une débauche de cuivres, John Williams signe ici l'apothéose de la pièce d'action pour film d'aventures, même si on n'en retiendra pas grand-chose en raison de la dispersion des motifs. Cela permet de perdre davantage le spectateur et de captiver son attention avec la séquence finale se déroulant dans le temple ("The Penitent Man Will Pass"), où Williams réutilise le thème du Graal dans toute sa majesté et sa splendeur (notamment avec l'ajout de chœurs). Enfin, le générique de fin, fidèle à la propre convention de la saga, réutilise tous les thèmes majeurs de la partition sous la forme d'une suite qui succède à la "Raiders March".

Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal (2008)

John Williams revient avec une partition riche et complexe pour "Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal", marquant ainsi une évolution notable dans sa collaboration avec Steven Spielberg. Le compositeur revisite des thèmes iconiques comme la "Raiders March", tout en introduisant de nouveaux motifs, notamment le mystérieux "Call of the Crystal" et le malicieux "The Adventures of Mutt". Les choix instrumentaux, allant des cordes sautillantes aux cuivres rythmés, reflètent la diversité des émotions et des situations du film, ajoutant une profondeur et une nuance à l'ensemble.

La musique de Williams s'adapte habilement aux différentes facettes du film, qu'il s'agisse de l'action trépidante dans "Jungle Chase" ou du suspense dans "The Spell of the Skull". Le compositeur utilise également des éléments ethniques et traditionnels, comme dans "The Journey to Akator", pour enrichir l'ambiance et le contexte du film. Des morceaux comme "Ants!" et "Temple Ruins and The Secret Revealed" montrent sa maîtrise dans la création de textures sonores qui servent à la fois le récit et l'émotion.

Cette partition témoigne de la maturité et de l'innovation de John Williams, qui a su évoluer tout en rendant hommage à l'héritage musical des précédents films d'Indiana Jones. Le résultat est une œuvre qui, bien que différente des compositions plus légères des années 80, réussit à capturer l'essence de l'aventure et du mystère qui sont au cœur de la saga. 



par Sylvain Rivaud


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