Prix Cinezik Aubagne 2019 #3 : Andrea Boccadoro pour SCARAMOUCHE SCARAMOUCHE de Arthur Môlard

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Propos recueillis par Benoit Basirico - Publié le 09-04-2019




Voici un focus sur un des trois court-métrages mentionnés pour le prix Cinezik lors du Festival d’Aubagne 2019 qui permet d’honorer la musique d'un court-métrage français issu de la compétition. Avec SCARAMOUCHE SCARAMOUCHE de Arthur Môlard, Andrea Boccadoro situe sa partition dans le registre de l'horreur, à travers les yeux défaillants d’Ophélie, fillette hantée par un inquiétant ami imaginaire, Scaramouche.

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  Interview : Prix Cinezik Aubagne 2019 #3 : Andrea Boccadoro pour SCARAMOUCHE SCARAMOUCHE de Arthur Môlard



Propos du réalisateur Arthur Môlard
("Scaramouche Scaramouche")


Le sujet du film, c'est l'imaginaire de l'enfance, et à quel moment cet imaginaire peut flirter avec une forme de folie. Il fallait donc que la musique puisse incarner cette enfance là.

J'ai su rapidement que je voulais travailler avec Andrea Boccadoro. Il a lu le scénario, et même avant qu'on tourne il m'a déjà proposé des choses. C'est la meilleure façon de faire que de travailler avec le compositeur en amont, car même sur le tournage on a déjà des musiques en tête.

On avait des vraies affinités en terme de goût. On aimait tous les deux la musique de film à l'ancienne, avec des thèmes développés pour les personnages et les faire évoluer au cours du film, les faire se croiser. On partage cette même vision. Mon envie était de faire un film d'horreur, et je voulais avoir une approche à l'ancienne. Les films d'horreur actuels ont tendance à être dans l'atonal. C'est facile de tomber dans les clichés avec beaucoup de sons de drône. Puisqu'ici c'est un film d'horreur qui raconte une histoire assez difficile en parallèle, il fallait avoir un cœur émotionnel assez fort. J'ai ressenti le besoin d'avoir une musique qui puisse à la fois prendre en charge la dimension effrayante du film et à la fois la dimension émouvante. J'adore le genre, je suis un amoureux du cinéma fantastique.

Lors de la scène d'anniversaire, la musique allait vers une dimension foraine... Cela m'a semblé assez logique et intéressant pour créer l'ivresse qui confine au vertige de l'héroïne. J'ai pensé à ce moment-là à la musique d''Elephant Man". J'ai envoyé à Andrea plein de choses à écouter. Ces références étaient là pour l'aider à trianguler ce que je voulais, je lui ai donné la B.O de "Reality" de Matteo Garonne par Alexandre Desplat, qui n'est pourtant pas un film d'horreur, mais qui a une tonalité très enfantine. Il y avait aussi des films d'horreur dans ce que je lui ai envoyé, comme des morceaux de Bartok utilisés dans "Shining", la musique de Michael Giacchino pour "Let Me In", James Newton-Howard pour "Le Sixième sens", ou encore Marco Beltrami pour "Woman in Black".

 

Propos du compositeur Andrea Boccadoro

(See Complet English Version)

Le scénario et les premières conversations avec le réalisateur sont ma première inspiration, à partir de laquelle je commence à écrire des thèmes. Dans le cas de SCARAMOUCHE, Arthur m'a approché avec le scénario quelques semaines avant le tournage. J'ai donc réagit au scénario et à ses idées pour le film en écrivant quelques pistes avant que le film ne soit tourné. Plus tard dans le processus, la performance de Pauline Chomienne qui interprète le personnage d'Ophélie était si forte qu'elle m'entraînait entièrement dans son voyage. Elle était la plupart du temps mon autre guide.

J'ai écrit le thème principal du court métrage, "Ophélie", de manière à le faire sonner comme un accompagnement et un contrepoint à Ophélie. Je l'ai ensuite arrangé en différentes variations dans beaucoup d'endroits différents. Nous l'avons utilisé comme thème "d'enfance", pour marquer son expérience et sa transition dans un état plus adulte, à cause de la fatalité de sa maladie grandissante.

J'ai essayé de ne pas trop penser au genre de l'horreur dans ce projet. À la fin, l'élément fantastique se produit à travers l'imagination d'Ophélie. Ce n'est donc pas autant surnaturel que psychologique. Les éléments "fantastiques" de la partition sont venus assez spontanément, alors que nous essayions de transmettre l'expérience et le parcours d'Ophélie, ils se mêlent à des éléments plus dramatiques. Cela reflète le contenu du film qui met également l'accent sur le contexte social des personnages et leurs relations familiales.

Les cordes représentent le cœur émotionnel du film et le sentiment grandissant qu'Ophèlie a de grandir et de faire face à la «réalité», à sa relation avec son père et à sa propre imagination. Je crée toujours l'harmonie au piano ou aux cordes. Considérant que l'harmonie exprime l'ambiance sous-jacente d'un morceau de musique, c'est comme si les cordes évoquaient les véritables émotions d'Ophelie, qu'elle soit effrayée, excitée dans ses fantasmes ou finalement triste et courageuse. En fait, à mesure que le personnage d'Ophélie se développe, les harmonies deviennent moins fantastiques et plus dramatiques, car Ophélie prend de plus en plus conscience de sa situation. Les autres instruments que j'ai utilisés sont le dulcitone (espèce de célesta), les timbales, le xylophone, l'aluphone (instrument de percussion composé de cloches), le vibraphone, et la harpe qui peut jouer à la fois avec les cordes et avec les percussion. Je l'ai donc utilisée pour mettre en communication les deux mondes. J'ai également aimé créer des petits détails comme des glissandos de timbales pour caractériser Scaramouche comme un personnage étrange, pour lui donner un élément d'exotisme primitif, mais sans connotation ethnique.

Si on insiste trop sur l'aspect thématique d'une partition, on se retrouve avec une musique qui paraît être trop "externe" au film. A l'inverse, si vous restez trop dans l'élément atmosphérique, au service du climat du film, votre musique devient trop liquide, se perd dans l'image et la bande sonore. Tout comme la composition et l'orchestration ne peuvent pas être totalement séparées, les idées thématiques devraient déjà être évoquées avec un soupçon d'instrumentation pour une atmosphère particulière au film.

Cela correspond à mon style, dans le sens où il a semblé très spontané de l'écrire. Je n'avais pas à forcer une langue, j'avais l'impression de parler ma propre langue. Je n'avais pas beaucoup écrit pour des projets comportant des éléments fantastiques dans le passé, mais c'est une partition dans laquelle j'ai découvert une gamme d'émotions et de sons que je souhaiterais sûrement approfondir dans mes projets futurs.

(extraits de la BO à écouter dans le podcast associé).

 

Propos recueillis par Benoit Basirico

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