par Benoit Basirico
- Publié le 09-05-2019La partition d' *Un homme et une femme* marque les premiers pas de Francis Lai dans l'univers de la musique de film et inaugure une collaboration emblématique avec Claude Lelouch, qui perdurera jusqu'à la disparition du compositeur en 2018. De cette union créative jaillit une alchimie singulière, perceptible dès la conception de la musique. Fait notable, Lai compose et enregistre cette œuvre avant même le début du tournage, s'inspirant directement du récit que Lelouch lui confie. Cette approche novatrice permet au réalisateur de diffuser les mélodies sur le plateau, influençant subtilement le jeu d'Anouk Aimée et de Jean-Louis Trintignant et instaurant ainsi un dialogue précoce entre la musique et l'interprétation.
L'approche autodidacte de Francis Lai transparaît dans la genèse de cette partition, entièrement écrite grâce à son accordéon électronique. Pour lui, la composition émerge intrinsèquement de l'interprétation, plaçant le musicien au rang d'acteur à part entière du film. Cette proximité avec les comédiens, comme s'il murmurait à leur oreille la tonalité de leur jeu, souligne une volonté d'harmoniser étroitement le visuel et le sonore. Cette fusion des arts confère à l'ensemble une cohérence émotionnelle profonde, où chaque élément se répond et se complète.
Sur le plan musical, la mélodie imaginée par Lai se distingue par son autonomie. Bien qu'intimement liée aux émotions véhiculées à l'écran, elle ne se contente pas de les illustrer. Elle suit sa propre trajectoire, enveloppant les personnages de sa sensibilité avant de s'envoler avec une liberté expressive. Ce contrepoint subtil entre la musique et l'image enrichit la narration, offrant une profondeur émotionnelle qui transcende le simple accompagnement.
La richesse de cette collaboration se prolonge au-delà de la partition instrumentale. Le thème principal du film donnera naissance à une chanson iconique, sublimée par les paroles poétiques de Pierre Barouh ("Da ba da ba da, ba da ba da ba") et l'interprétation douce et mélancolique de Nicole Croisille. Ce titre, devenu indissociable du film, témoigne de la force mélodique de Lai et de sa capacité à créer des motifs musicaux universels et intemporels.
Leur parcours artistique commun connaîtra un écho poignant en mai 2019, lors du Festival de Cannes, avec la présentation des *Plus Belles Années d'une vie*. Ce film, ultime témoignage de leur relation privilégiée, se présente comme une suite d'*Un homme et une femme*, portant en lui les toutes dernières notes composées par Francis Lai, tout en reprenant l'air du premier film. Cette œuvre posthume scelle de manière émouvante un dialogue artistique fécond et une compréhension mutuelle profonde entre un réalisateur visionnaire et un compositeur au talent unique.
par Benoit Basirico
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