Interview B.O du tandem Bertrand Burgalat & Benoit Forgeard (YVES, Quinzaine des Réalisateurs - Cannes 2019)

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Propos recueillis par Benoit Basirico - Publié le 26-05-2019

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Bertrand Burgalat retrouve Benoît Forgeard sur sa nouvelle comédie après "Gaz de France" (2015). Des chansons de rap sont composées par Mim (de son vrai nom Emilien Bernaux) sur les textes du réalisateur et Tortoz.

Cinezik : Dans YVES, Jerem (William Lebghil) est un rappeur...

Benoit Forgeard : En effet, il y a de la musique à l'intérieur du scénario. Ce n'est pas complètement un hasard, ça m'intéresse de faire des films où la musique joue un rôle dans le récit. Je n'anticipe pas ça. Il se trouve que les scénarios deviennent musicaux au bout d'un moment. J'y reviens régulièrement.

Pourquoi le rap ?

B.F : Au début, c'était un mec qui faisait de la chanson. Je me suis rendu compte que j'avais beaucoup à gagner avec le rap, parce que la musique populaire d'aujourd'hui, c'est le rap. Si j'avais fait ce film dans les années 70 probablement Jerem aurait fait du rock. Et ça me permettait également de mettre très en avant l'oral et le texte, et aussi de la grossièreté, ce dont je suis très friand. Il pouvait à travers le rap y avoir des mots crus.

Cela impliquait donc un travail musical en amont du tournage ?

B.F : On avait besoin que les morceaux de rap préexistent au tournage pour que William Lebghil apprenne à raper. On lui a même fait participer aux compositions et à l'écriture des textes. Il les a enregistrés à l'automne qui précédait l'hiver où on a tourné.

Bertrand Burgalat : Il fallait prendre des musiciens qui font exactement ça, sinon ça aurait fait un pastiche.

B.F : Tu m'avais fait un "rap Burgalat", qui était très intéressant, mais la véracité de Jerem en aurait pris un petit coup. Pour que ça marche, pour que l'histoire soit crédible, il fallait vraiment du rap fait par des rappeurs.

C'est ainsi que vous avez fait appel à Mim (de son vrai nom Emilien Bernaux) et Tortoz... mais vous avez aussi contribué aux paroles ?

B.F : J'ai écrit des premières paroles, mais ce n'était pas aussi efficace que celles de Tortoz qui s'est accaparé les chansons. Dans "Carrément rien à branler", il y a toute une partie que j'ai écrite. Mais les 2/3 du texte sont de Tortoz.

B.B : Tous tes films sont extrêmement bien écrits, le scénario, le dialogue, c'est drôle, c'est fin. Tu storyboardes toutes les scènes. Elles sont toutes répétées avant. C'est un travail précis. Et sur la musique, d'une certaine façon on n'a pas besoin d'initiatives pour savoir où la mettre. À partir de là, il faut essayer de traduire ce que tu as en tête, et ce que l'on voit dans les images. Je me laisse complètement guider par Benoît...

Vous intervenez dès le scénario ?

B.B : Tu me fais lire le scénario, et en général quand je le lis j'ai des idées, dont on ne garde rien en général, mais cela permet déjà de vider son sac, et de voir ce qui va et ce qui ne va pas. Tu sais parler à un musicien d'une façon qui est motivante, pas bloquante, en donnant des références mais qui ne sont pas paralysantes. Tu ne m'emprisonnes pas dans des Temp Track provisoires. Je me sens extrêmement libre. Il y a une confiance donc c'est un grand plaisir.

B.F : Comme je lui donne un premier montage du film, suffisamment élaboré, il va aussi faire de la musique à l'image. On s'amuse à faire des choses précises. Je propose à Bertrand dans un premier temps l'endroit où je pense qu'il serait bien qu'il y ait de la musique. C'est pour cela que ça démarre après un premier montage. Et je donne à Bertrand des références, des choses qui me semblent être dans le ton de ce que je voudrais. À partir de là, je le laisse travailler. Il me propose plusieurs solutions, souvent c'est super, parfois ça dépasse la référence.

En dehors du rap spécifique pour le personnage, comment a été pensée la musique de Bertrand dans un registre plus narratif ?

B.F : La musique que j'ai demandée à Bertrand est une musique assez lyrique. Elle est là pour faire décoller le récit, lui donner des éléments romantiques, l'élargir. Le rap a une fonction diamétralement différente. Le rap contribue à rendre le film réel, à l'ancrer, et la musique de Bertrand épanouit le film, l'élève.

B.B : Il y a des cordes, du saxophone, et de la flûte. Il me semblait bien que la couleur complète les cordes. Je voulais que la musique puisse être mixée le plus fort possible et donc on a des instruments qui puissent passer avec le dialogue. C'est pour cela qu'il n'y a pas toujours de la batterie.

Pour finir, parlez-nous des chansons présentes lors d'une scène de l'Eurovision, elles sont également originales ?

B.B : À un moment dans le film le héros se retrouve en compétition. Il y a un aspirateur portugais qui fait du fado, une cafetière italienne et un lave-linge allemand. Ce sont des scènes qui à l'écran durent très peu de temps, mais qui prennent autant de temps à faire qu'un morceau plus long, parce qu'il faut que ce soit crédible. Par exemple, le morceau en portugais, c'est Arthur de Catastrophe qui fait la voix. Il a fait traduire un texte génial. J'aime bien que ce soit une imitation mais sans être un clonage d'une chanson existante. Je n'ai pas écouté un morceau en particulier italien ou de fado, c'est plus le souvenir qu'on en a.

B.F : Quand on écoute la chanson de l'aspirateur, même si on veut en rire, on va aussi la trouver très belle au premier degré. Il faut que ce soit beau.

B.B : Sans le vouloir, la chanson en italien, je crois que c'est la meilleure chanson que j'ai jamais faite.

 

Propos recueillis par Benoit Basirico

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