dead_zone,kamen, - The Dead Zone (Michael Kamen, 1983), l'assaut des cordes pour les visions The Dead Zone (Michael Kamen, 1983), l'assaut des cordes pour les visions

dead_zone,kamen, - The Dead Zone (Michael Kamen, 1983), l'assaut des cordes pour les visions


par Benoit Basirico

- Publié le 20-09-2019




Pour sa première incursion en territoire américain, le réalisateur canadien David Cronenberg s'est vu imposer une collaboration avec le compositeur Michael Kamen, au détriment de son partenaire musical attitré, Howard Shore. Cette union, née d'une décision de production, aurait pu s'avérer infructueuse. Pourtant, loin de produire une œuvre impersonnelle, Kamen a relevé le défi avec une intelligence remarquable. Il est parvenu à s'approprier l'univers mental si particulier de Cronenberg, livrant une partition qui non seulement sert le film, mais en devient une composante essentielle, une réussite considérée par beaucoup comme l'une des plus significatives du regretté compositeur.

Deux motifs principaux incarnent la dualité du personnage de Johnny Smith. Le premier, un thème empreint d'une profonde mélancolie, traduit la tragédie de sa destinée, la perte de son amour et sa solitude face à un don écrasant. Le second, plus mystérieux et tendu, installe une atmosphère de suspense psychologique. Kamen n'utilise pas sa musique comme un simple soulignement de l'action, mais comme un véritable miroir de l'âme tourmentée du protagoniste, capturant avec finesse sa psychologie complexe et son désenchantement progressif.

Le choix des instruments est au cœur de l'efficacité de la partition. Michael Kamen utilise l'orchestre de manière à la fois classique et viscérale. La mélancolie est portée par des lignes de cordes amples et des solos de bois poignants, créant un sentiment de nostalgie et de fatalité. Cependant, la signature sonore la plus mémorable de l'œuvre réside dans son traitement des visions prémonitoires. À chaque contact physique révélant l'avenir, la musique explose en sursauts de cordes stridentes et dissonantes. Ce choix audacieux traduit le choc psychique et la terreur ressentis par le personnage en une expérience auditive brutale et saisissante pour le spectateur.

La relation entre la musique et le film est une symbiose parfaite. La partition de Kamen ne se contente pas d'accompagner les images ; elle leur donne une profondeur émotionnelle et une tension intérieure qui sont fondamentales à l'esprit du livre de Stephen King, que Cronenberg a si bien su adapter. La musique suit l'arc narratif du personnage, de la tragédie initiale à la résolution finale, en équilibrant constamment l'introspection psychologique et les exigences du thriller. Le climax du film est ainsi magnifié par un apogée musical où le drame et la partition fusionnent dans un moment d'une intensité tragique inoubliable.

Bien que née d'une collaboration "forcée", la bande originale de "Dead Zone" est un modèle d'intelligence et de sensibilité. Michael Kamen n'a pas cherché à imiter le style d'Howard Shore, mais a su trouver une voix unique qui résonnait parfaitement avec la vision de David Cronenberg pour cette histoire. En capturant l'essence tragique, nostalgique et terrifiante du personnage principal, il a composé une œuvre puissante et envoûtante, qui demeure non seulement un sommet de sa carrière, mais aussi une pierre angulaire de la musique de film pour le thriller psychologique.


par Benoit Basirico


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