Question B.O : A quoi sert un thème au cinéma ?

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Le thème est cette idée musicale brève ou développée, reprise à l'identique ou déclinée tout au long d'un film, qui s'inscrit comme une signature, participe à définir une identité musicale propre à une oeuvre, favorise une certaine unité par sa répétition, et participe à élaborer une narration.

• Avec en écoute notre podcast associé, et des citations de l'ouvrage de Benoit Basirico qui a consacré un chapitre à cette question  (La musique de film, compositeurs et réalisateurs au travail). 

"Le travail thématique a un rôle narratif. Il permet au compositeur d’être comme un scénariste second qui va raconter par des notes son histoire. Le thème devient alors un leitmotiv lorsque sa construction au fil du récit fait associer un motif à des éléments appartenant à l’univers du film (personnage, objet, lieu, situation dramatique). Ces thèmes s’inscrivent facilement dans la mémoire pour que leur identification soit évidente et nourrisse le récit, à la manière de points de repères. Autant en emporte le vent contient dix thèmes principaux (la mélodie de Tara, de Scarlett, du couple, de la plantation...). Un thème peut notamment convoquer la présence d’un personnage absent à l’image dès lors que le lien avec celui-ci a été relevé, mais il peut également renvoyer à des éléments plus diffus, comme un sentiment ou un symbole. Il s’agit d’un fil conducteur."

"Le thème favorise l’empathie du spectateur, qui ne quitte pas l’émotion des personnages ou les enjeux dramatiques d’une scène. Un thème s’efface et revient, construit et renforce les souvenirs associés au film. Dans Jules et Jim (de François Truffaut, 1962), le thème de Georges Delerue apparaît d’abord de manière bucolique lorsque les trois amants sont heureux — tout est encore possible entre eux — puis revient vers la fin teinté de gravité — l’un des deux hommes n’a pas obtenu l’amour qu’il souhaitait. Ce souvenir musical est associé à l’espérance, puis le thème à une hauteur plus basse marque la déception et la jalousie. Au-delà du souvenir, le thème témoigne d’une évolution: il évolue avec une relation. Dans Sur la route de Madison (film et musique de Clint Eastwood, 1995) le thème apparaît au piano lors de la première rencontre, des cordes s’invitent lors de leurs retrouvailles, puis tout l’orchestre sonne pendant le premier baiser. Il s’agit bien là d’un enjeu narratif et émotionnel. Dans Barton Fink (de Joel Coen et Ethan Coen, 1991, musique de Carter Burwell), le thème d’abord embryonnaire lorsque le scénariste cherche l’inspiration, interrompant son développement à chaque fois que la concentration est rompue, se construit par la suite en même temps que l’oeuvre littéraire du personnage de John Turturo, note après note, mot après mot."

Propos entendus dans le podcast

Jean-Claude Petit (Cyrano de Bergerac) : "Comme dans un scénario avec l’histoire. Si on écrit qu’un homme aime une femme, c’est une idée. L’écriture compte mais le sujet est aussi important. En musique c’est pareil. Le thème, c’est le centre. La musique de film ne peut pas être une simple illustration sonore des scènes. Sinon ce n’est pas une oeuvre, c’est juste un fond sonore. Je veux que le thème soit là dès le générique d’ouverture... le décor musical s’installe, et on le développe jusqu’à la fin. Ecrire une musique c’est raconter une histoire et avoir une unité, comme un roman, tandis que l’illustration sonore est une série de nouvelles".

Francis Lai (Love Story) : "Il faut trouver une mélodie qui soit facile d’accès, aisée à reconnaître, tout en étant originale. Je m’attache à écrire des mélodies qui peuvent être ensuite transformées, passer d’une musique symphonique à du jazz, pour pouvoir avoir des couleurs différentes au sein d’un même film".

Philippe Sarde (les Choses de la vie) : "En général, j’essaie d’être mélodiste, qu’il y ait toujours un air, même s’il est à moitié caché, pour que les gens ne soient pas perdus. Je fais toujours attention à ça. Tout le monde peut écrire de la musique, mais s’il n’y a pas un air qui tout d’un coup est différent des autres, ça ne vaut pas la peine."

Vladimir Cosma (Le Grand blond avec une chaussure noire) : "J’ai toujours considéré que le moteur et le sujet de la musique étaient la mélodie. Dans un livre, il y a son sujet. On ne peut pas écrire un roman si on ne sait pas de quoi on parle. Pour moi on ne peut pas écrire une musique s’il n’y a pas de mélodie. C’est le fil conducteur."

Gabriel Yared (Le Patient anglais) : "Pour moi c’est essentiel qu’un thème de musique de film puisse s’attraper, qu’on se le mette en tête, se le chanter intérieurement".

Rob (Les Sauvages) : "Avec Rebecca Zlotowski, on partage une recherche d’émotions, et pour y parvenir, la mélodie c’est ce qu’il y a de mieux. Ce n’est pas systématique. On ne se dit pas tout le temps qu’il faut une mélodie, mais on a toujours le rêve de chanter la musique du film. C’est souvent venu dans nos conversations. Rebecca me disait souvent qu’elle adorait une musique, mais qu’elle n’arrivait pas à la chanter."

 

 

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