Articles

 

Le son de THX 1138 : collaboration entre Lalo Schifrin et Walter Murch

thx1138,schifrin, - Le son de THX 1138 : collaboration entre Lalo Schifrin et Walter Murch

Retranscription : Benoit Basirico

- Publié le 01-01-2008




Voici un decryptage du travail sonore sur ce film. Walter Murch est monteur son ("Sound montage") sur THX 1138, avant d'être "sound designer" sur APOCALYPSE NOW. Il révèle ses bidouilles sonores, ses inventions, et évoque sa collaboration avec Lalo Schifrin, le compositeur.

Les voix

"Les voix provenant des hauts parleurs, nous les voulions différentes, comme celles des enregistrements de radioamateurs, avec une grande qualité chromatique et un léger déréglement. Les fréquences radio créent des sous-harmoniques dans la voix, comme si on déplaçait le ton d'une voix. Mais il y a autre chose qui ressemble à la radio, nous avons apporté notre magnétophone à une école d'électronique de San Francisco. Ils avaient une installation radioamateur qui pouvait passer notre cassette et la diffuser dans "l'univers". George Lucas manipula le réglage de la radio émettrice et moi celui de la radio receptrice. Ainsi on avait ces voix particulières du film. "


"La difficulté de faire un film de Science fiction en 1970 c'était de créer une voix qui serait au moins à la hauteur de HAL dans 2001. THX a une voix envahissante. Tous les policiers ont la même voix. Et si vous allez au confessionnal, où il y a la voix d'OMM, on découvre que c'est la même que celle des policiers.
Je me demandais : "Que va inventer George ? Qui fera la voix ? "
Le jour de l'enrgistrement, un propriétaire des pompes funèbres est arrivé. George a sorti le dialogue et dit :"je veux que vous disiez ces mots comme si vous parliez à une veuve qui vient de perdre son mari". "


La musique

"La musique que vous entendez a été composée et dirigée par Lalo Schifrin, mais elle est basée sur une musique temporaire que j'ai élaborée pour le film entier à partir de musiques tirées de disques, avant tout de la musique classique.

J'enregistrais la musique à l'envers ou je la ralentissais à 400 pour cent. je la montais de telle sorte que les morceaux se mêlaient entre eux. Je traitais la musique comme les différents tons des pièces ou des atmosphères, comme un bruitage. De la musique bruitage, même si c'est de la musique. Je l'ai fait pour le film entier. Le moment venu de faire la vraie musique, on a montré cette version à Lalo qui a dit : "J'aime beaucoup. Et c'est exactement ce que je fais. J'aime ce que vous avez fait. Avec votre permission, je vais l'adapter, je vais juste relever les notes". Je me suis dit "Ah, super !".

Nous nous sommes retrouvés au studio à la Warner avec un orchestre. Et l'orchestre jouait ce que je savais être de la musique à l'envers, renversée ou ralentie. Ainsi, si vous prenez la musique du générique de début de THX et que vous la jouez à l'envers en l'accélérant quatre fois, vous entendrez "Stabat mater" de Pergolesi. "

Les échos

"J'aime les échos, les réverbérations, les atmosphères autour des voix ou les bruitages qui illustrent l'espace où on est. On part d'un son sec (enregistré en studio) pour créer une sorte d'echo confus autour du son qui indique que la voix est dans une salle de bain ou un grand amphithéatre, ou une caverne. Aujourd'hui il suffit d'appuyer sur le bouton d'un appareil de révérbération numérique programmé pour offrir une infinie de types d'écho. En 1970, non seulement on n'avait pas ce genre d'instrument, mais on n'avait même pas une chambre d'écho normale. Pour y arriver, j'ai imaginé d'enregistrer le son que je voulais modifier, et d'aller dans l'environnement où j'aurais la bonne atmosphère, comme un terrain de Basket. Je passais le son dans cet espace et avec un autre magnétoscope, j'enregistrais le son et l'écho. Quand je repassais au Studio, je repassais les bandes en les synchronisant. La première avec le son original, la deuxième avec le son agrémenté de l'écho. "


Dédoublement du son

J'ai aussi imaginé un "son cubistique", comme un cube de son. Il contenait un son différent de la scène suivante, soit un autre cube. Lors du procès, tout est filmé derrière des vitres, dans une cabine de régie d'un studio d'enregistrement. Il y a du verre derrière le verre, on voit le reflet de ceux qui sont au premier plan. j'ai cherché l'équivalent sonore de cela. A l'époque j'écoutais des compositions de Steve Reich qui avait une technique pour dédoubler le son. J'ai donc pris la voix originale et je l'ai isolée pour qu'on puisse comprendre ce qui se dit, par rapport aux bavardages parasites en fond.

Sons concrets

Dans la séquences avec les perches electriques avec lesquelles THX est torturé, quand elles le touchent, une sorte de décharge electronique le fait trésaillir. La difficulté était d'obtenir un son crédible sans qu'il soit electronique. Chez George, il y avait des abat-jour en métal, j'ai tapé dessus et cela produisait un son interessant, mais trop métallique, donc j'ai mis le micro dans l'abat-jour et j'ai tapé dessus...
Ces perches étaient un peu les ancètres du son des épées laser de "La guerre des étoiles".

Tout ce qu'on entend dans le film sont des enregistrements originaux, sauf deux exceptions, un son de tonnerre préenregistré, et un coup de poing, deux sons "hollywodiens" dramatisant de manière fantaisiste la situation.

La Foule

A la fin du film lorque les personnages s'évadent et se retrouvent mélés à une foule bruyante, j'ai enregistré des chutes d'eau, la fin d'un match de hockey et des gens qui courent. Lorsque je les ai assemblés, la chose étrange qui se produisait est qu'ils s'annulaient entre eux, l'oreille s'y habituaient. Il fallait des pics sonores pour brutaliser le tout. J'ai donc crié dans le micro et enregistré mes hurlements.

Retranscription : Benoit Basirico


En savoir plus :

Le

Ciné et BO

Le son de David Lynch

Vos avis