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Journal des B.O de Cannes #1 : jour d’ouvertures, avec Alexandre Desplat, Gabriel Yared, et Tchaïkovski

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par Benoit Basirico

- Publié le 19-05-2022




Alexandre Desplat a l'honneur d'ouvrir le festival avec la comédie potache de Michel Hazanavicius, "Coupez !" (hors compétition, actuellement en salles) et ouvre également la sélection d'Un Certain Regard avec "Tirailleurs", film de guerre convenu de Mathieu Vadepied  avec Omar Sy. Gabriel Yared quant à lui a signé la musique (et les chansons) du fabuleux "L'Envol" du réalisateur italien Pietro Marcello qui fait l’Ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs. Enfin, la Compétition s’ouvre avec l’éprouvant “La Femme de Tchaïkovski” de Kirill Serebrennikov, premier film à concourir pour la Palme d’Or. A quoi ressemblent ces B.O ? 

Dans "Coupez !" de Michel Hazanavicius, Jean-Pascal Zadi joue le rôle d'Alexandre Desplat.
Le comédien apparaît dans le rôle d'un compositeur qui joue sa musique en Live pendant le tournage d'un film de Zombies (dont le réalisateur est incarné par Romain Duris), décontenancé lorsque l'équipe improvise et s'éloigne du scénario, ne sachant plus quelle musique fournir. La musique est ainsi un des ressorts comiques. Cette partition est donc signée Alexandre Desplat qui s'amuse avec humilité et jeu (loin de sa carrière internationale flamboyante et orchestrale) à écrire divers titres musicaux qui s'apparentent à une illustration conventionnelle et simpliste du film fauché (un rythme samba, des textures terrifiantes, un air romantique, de la musique d'ascenseur), mais aussi malgré tout quelques envolées, notamment sur la fin, pour marquer l'aspect sentimental de l'entreprise (un hommage au collectif d'une équipe de film, et aux accidents de tournage constructifs).

Ce même Alexandre Desplat propose pour "Tirailleurs" de Mathieu Vadepied une musique d'un toute autre esprit, moins ludique, plus premier degré, soutenant la tension des tranchées et du champs de bataille lors de la première guerre mondiale, et magnifiant l'hommage fait aux combattants sénégalais, jusqu'à l'aspect solennel d'une remise de médailles. Plus convenu donc, puisque la musique ne dit pas autre chose que ce que l'image véhicule déjà. Mais le compositeur témoigne de sa maîtrise de l'orchestration.

En revanche, pour Gabriel Yared, il s'agissait sur "L'Envol" de Pietro Marcello d'instaurer un chemin complémentaire. Le placement musical évite les moments forts (d'amour ou de violence) pour privilégier les instants de détente. Pour parvenir à cette alchimie, l'implication commune était de longue haleine comme l'explique le compositeur : "C'est une de mes plus longues collaborations avec un réalisateur, le temps d'un film, collaboration devenue une amitié sincère et indéfectible. Une longue période de travail et d'échanges pendant laquelle nous nous sommes vus chaque semaine, avant et pendant le tournage." Cette partition orchestrale intègre la harpe, la mandoline, des flûtes, hautbois, violoncelle, cor... conférant à cette chronique familiale d'époque et cette romance mystérieuse les atours d'un conte hors du temps. Nous y apercevons une jeune femme dans une rivière telle une sirène. Fille d'un travailleur manuel de classe inférieure (Juliette Jouan), elle aspire à devenir poète et musicienne, et embrasse un jeune aventurier (Louis Garrel). Le film est sur la croyance en ses rêves et l'émancipation de son milieu. Oscillant entre dureté et poésie, le film ménage des moments presque muets, où la musique prend toute la place sans les sons, ou au contraire le son (de l'eau, du vent) est le seul élément auditif. Par ailleurs, le compositeur conçoit les chansons de l'héroïne ("Hirondelle", "Les Voiles Ecarlates", "Si tu es une fille"). L'actrice Juliette Jouan est musicienne avant de tenir ici son premier rôle.

Enfin, Kirill Serebrennikov revient en compétition avec un film musical, après "Leto" sur la scène rock, menée par Viktor Tsoï, à Leningrad au début des années 80. Mais cette fois-ci, bien qu'il s'agisse de la figure d'un illustre compositeur russe, "La Femme de Tchaïkovski", comme son titre l'indique, s'interesse davantage à la jeune femme éprise de lui. La dimension musicale omniprésente n'est ainsi jamais reliée au compositeur (que l'on ne voit jamais au travail), mais toujours pour relater le trouble intérieur du personnage féminin Antonina Miliukova, tourmentée par un amour passionné non consenti. Le piano domine la B.O (constituée de pièces classiques interprétées par le pianiste Daniil Orlov : Tchaïkovski bien sûr, mais aussi Mozart) pour soutenir cette descente aux enfers, sans répits, parfois éprouvante, avec une caméra tourbillonnante.

 

Une Chanson prééxistante à écouter :

Chelsea Dagger - The Fratellis (à la fin de COUPEZ!)

par Benoit Basirico


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