Interview B.O : Rémi Boubal (PLAN 75, Caméra d'Or - Mention Spéciale)

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Propos recueillis à Cannes par Benoit Basirico - Publié le 27-05-2022




Présenté à Un Certain Regard, PLAN 75 a reçu la Mention Spéciale de la Caméra d'Or. Rémi Boubal signe la musique du premier film franco-japonais de Chie Hayakawa, avec une partition parcimonieuse de cordes, de piano, flûte, exprimant une douceur, en contraste avec le récit habité par la vieillesse et l'approche de la mort, autour du projet politique d'accompagnement logistique et financier pour mettre fin à ses jours. Le silence est pesant dans une mise en scène contemplative. La musique représente alors le nouvel espoir pour les personnages.

 

Cinezik : Comment s'est faite la rencontre avec la réalisatrice japonaise Chie Hayakawa ?

Rémi Boubal : La rencontre s'est faite par la productrice française qui m'a parlé de ce projet qui faisait sa postproduction en France. J'ai envoyé une première proposition pendant le début du tournage, mais les réalisateurs qui tournent n'ont pas trop le temps de faire des retours. La réalisatrice m'a fait un retour à la fin du tournage en me disant ce qu’elle aimait ou pas. 

Quelles étaient ses premières intentions musicales ?

R.B : Il s'agissait de mélanger des sonorités électroniques avec des instruments plus classiques, comme le violoncelle et la contrebasse. On a imaginé un thème, pas vraiment une grande mélodie mais un motif musical qui pourrait être associé au “plan” du film qui consiste pour le gouvernement à donner cent mille yens à toute personne de plus de 75 ans pour se faire euthanasier afin de résoudre le problème de vieillissement de la population au Japon. Ce n’est pas vraiment de la Science-fiction car d’après la réalisatrice ça pourrait réellement se produire au Japon dans un avenir proche. L'idée était donc de faire le thème du plan qui devient de plus en plus étrange au fur et à mesure que le film avance. Au début du film, le thème suggère que quelque chose ne tourne pas rond, puis il y a les états intérieurs des personnages qui évoluent en fonction de leur position par rapport au plan.

Il y a une douceur dans la musique, est-ce lié à l’intériorité des personnages qui, malgré tout, s'attachent à la vie ? 

R.B : Oui, c'est une volonté de la réalisatrice d'avoir une musique qui soit plutôt douce et qui tire vers la vie, qui soit plus lumineuse.

Quelle a été la collaboration avec la réalisatrice concernant le placement de la musique dans la mesure où le film ménage les silences ? 

R.B : Le dialogue s’est fait à trois entre la réalisatrice, la monteuse Anne Klotz, et moi. C'était très intéressant de partager nos idées. C'est mon rôle de suggérer des moments, mais le rôle du monteur est aussi important, il apporte souvent un autre éclairage. L'idée était en tout cas de mettre de la musique dans les moments clés de l'histoire.

Le film n’est jamais gagné par le lyrisme, même à la fin où il pourrait y en avoir avec ce plan final du soleil. La musique s'arrête et laisse place au silence, même pendant le générique. 

R.B : Dès lors que l'on voit le soleil, le personnage principal entend la chanson qu’il a chanté préalablement dans le film, a capella, mêlée aux bruits de la ville. Je ne pense pas qu'il fallait aller au-delà. 

La réalisatrice était-elle très accueillante ou alors au contraire très prudente avec la musique ? 

R.B : Elle était accueillante aux propositions. Je ne dis pas que la musique du film est osée, mais en tout cas dans les maquettes que je lui ai faites il y avait des choses traditionnelles et d'autres plus modernes. Et à chaque fois, c'est vers les choses modernes qu'elle souhaitait aller, notamment la contrebasse solo, un instrument au timbre très particulier, mélangé avec des guitares et le synthé. Elle allait vers ce genre de propositions.

Et le piano reste au cœur de la partition... 

R.B : Il est plus présent comme un bruitage, je l'ai enregistré près des cordes, on entend le marteau. C’est un peu comme le bruit du cœur humain. Ce n'est pas un thème. 

Un piano rythmique, percussif plus que mélodique ? 

R.B : Un piano préparé, oui.

Vous avez aussi arrangé pour le film une pièce de Mozart...  

R.B : En effet, la Sonate n°5 en Sol Majeur. Au début, la réalisatrice voulait quelque chose de beaucoup plus fin dix-neuvième. Et puis finalement, on est parti vers cette sonate pour piano de Mozart qui a quelque chose d'enfantin. Par rapport à ce qui se passe à l'image, c'est assez troublant. Le film s'ouvre sur une scène de massacre dans une maison de retraite, tout est suggéré mais il y a vraiment une violence avec laquelle la musique tranche énormément. Ce contrepoint était intéressant. 

C'est votre première collaboration avec une artiste d'Asie. Est-ce que ça change quelque chose dans le rapport à la musique ? 

R.B : Par rapport à d'autres collaborations plus franco-françaises, il y a eu énormément de politesse et de respect dans les échanges, même pour dire “non”. C’est très appréciable. Ce n'est jamais frontal. Finalement on arrive au même résultat, mais avec beaucoup plus de douceur et d'élégance. Travailler dans ces conditions, c'est plutôt agréable. Mais je ne vais pas faire de généralités. 

Vous avez travaillé à distance ? 

R.B : Elle est venue dans mon studio parisien, le film se montait à 500 m de là, j'ai eu beaucoup de chance, donc elle a pu venir au studio, et moi je passais au montage. En y pensant, je pense que c'est la réalisatrice qui habite le plus loin de Paris qui a monté le film le plus proche de mon studio. 


Propos recueillis à Cannes par Benoit Basirico

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