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Une Maquette ("Demo" en anglais) est une musique conçue sur ordinateur à partir d'instruments réels ou virtuels, précédant l'orchestration, l'interprétation, l'enregistrement et le mixage. Elle permet de transmettre ses idées à un réalisateur ou de tester la musique au montage avant de la finaliser. On peut dire que c'est un "brouillon", une première version, de la B.O à venir. Souvent, avec les moyens technologiques d'aujourd'hui, elle se rapproche fidèlement du résultat final.
Ouvrage : La musique de film, compositeurs et réalisateurs au travail
Le compositeur, le réalisateur et le monteur travaillent à partir de maquettes intermédiaires, qui consistent aujourd’hui en des versions numériques et temporaires de la partition (conçues sur un ordinateur à partir d’instruments aux timbres reconstitués). Ce fonctionnement autorise des changements sans nécessité d’impliquer des musiciens à chaque étape. La partition définitive est ensuite destinée à être enregistrée par un orchestre. La maquette constitue souvent une indication pour l’orchestrateur. C’est ainsi qu’Alexandre Desplat communique très précisément ses intentions : « Le travail de l’orchestrateur demeure sous ma direction. Avec des maquettes soignées, tout est décidé à l’avance. La distribution instrumentale est très minutieuse. La maquette est identique à ce que sera la partie orchestrale». Éric Neveux, issu de la musique électronique, est à l’aise avec l’outil informatique, qui lui permet de manipuler tout un orchestre virtuellement : « Je livre des maquettes relativement poussées, d’autant plus que je suis programmeur. L’orchestrateur va prendre mon arrangement très détaillé et va le renvoyer dans les sections de l’orchestre pour que ce que j’ai fabriqué avec des machines soit précisément rendu le jour où on enregistre». Pour Éric Serra, «le travail de l’orchestrateur est très technique et permet d’obtenir avec l’orchestre la même chose que mes maquettes ».
Des maquettes très fidèles au résultat final peuvent toutefois constituer un danger, car elles peuvent inciter un producteur à s’en contenter et ainsi faire des économies sur l’orchestre. Erwann Kermorvant préfère ainsi livrer des maquettes avec une orchestration sommaire : « Avec les technologies d’aujourd’hui, elles peuvent être très fidèles à ce que peut jouer un orchestre, et même plus précises encore. Dans la réalité, lorsque les musiciens doivent le jouer ce n’est jamais aussi précis. Ce qui est un danger car le réalisateur a ensuite du mal à se débarrasser du son digital». Ce que confirme Cliff Martinez : « La technologie d’aujourd’hui est vraiment excellente pour qu’une maquette soit similaire à ce qu’un véritable orchestre réalisera. Parfois elles sont si bonnes que je suis nerveux à l’idée que les producteurs qui entendent la version orchestrale la trouve moins bonne car un peu différente! Ainsi, la démo ne devrait pas trop bien sonner afin qu’ils soient impressionnées par l’orchestre». L’autre risque des maquettes selon Jérôme Lemonnier est d’être dépendant des banques de sons utilisés : « La technologie limite parfois le résultat. Certaines choses ne “sonnent” pas à l’orchestre virtuel et donc on ne les écrit pas». Karol Beffa, également compositeur de musique savante, regrette que la maquette se soit à ce point généralisée. Cette pratique reflète une certaine impatience typique de notre époque. Auparavant, les réalisateurs se contentaient d’une version au piano, jouée par un compositeur qui précisait en même temps ce que serait l’orchestration. Aujourd’hui, les réalisateurs ne veulent plus attendre l’enregistrement, mais désirent entendre le résultat au plus tôt.
Extrait de cet ouvrage :
LA MUSIQUE DE FILM, COMPOSITEURS ET RÉALISATEURS AU TRAVAIL
(Benoit Basirico, Hémisphères Editions)
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