Journal des B.O de Cannes #4 : L'enlèvement, Les Feuilles mortes, In the Rearview...

Cannes 2023,@,enlevement2023042301,in-rearview2023050114,ravissement2023050114,feuilles-mortes2023042515,club-zero2023041700,asteroid-city2021110210,firebrand2023041700, - Journal des B.O de Cannes #4 : L'enlèvement, Les Feuilles mortes, In the Rearview...


par Benoit Basirico

- Publié le 24-05-2023




Cette sélection des musiques entendues dans les films du festival (en se focalisant sur les films vus parmi la quantité de la programmation) présente en coups de cœur (à la fois musicaux et cinématographiques) les partitions de Fabio Massimo Capogrosso, à la fois tragique et humoristique pour "L'enlèvement" de Marco Bellocchio, celle de Antoni Lazarkiewicz qui rend hommage aux victimes de guerre avec une musique pour le documentaire "In the Rearview" de Maciek Hamela, celle de Alexandre de La Baume pour "Le Ravissement" d'Iris Kaltenbäck. Par ailleurs, en emploi marquant de musiques préexistantes, on peut citer le film de Aki Kaurismäki "Les Feuilles mortes" qui utilise des chansons pour narrer l'idylle de ses personnages, tandis que les compositions d'Alexandre Desplat pour "Asteroid City" de Wes Anderson, Dickon Hinchliffe pour "Le Jeu de la Reine" de Karim Aïnouz et Markus Binder pour "Club Zero" de Jessica Hausner marquent d'autres films en compétition. 

Coups de coeur (Film et Musique originale) :

L'enlèvement (Marco Bellocchio ) - BO : Fabio Massimo Capogrosso (Compétition) 

Fabio Massimo Capogrosso retrouve Marco Bellocchio après la série "Esterno notte" (2023). Il succède à Nicola Piovani et Ennio Morricone parmi les compositeurs à prolonger une collaboration avec le cinéaste italien vétéran. Pour illustrer le fait historique et religieux fondé sur l'enlèvement par l'église catholique d'un garçon juif en 1858 le compositeur propose à la fois des cordes tragiques (évoquant le “psycho” de Bernard Herrmann) que des éléments plus humoristiques participant au ton de la farce. Le film ose les éléments de grotesque et la partition participe à la charge satirique. Par ailleurs, quelques notes se confondent avec les cloches. Interview du compositeur.

In the Rearview (Maciek Hamela ) - BO : Antoni Lazarkiewicz (ACID) 

Antoni Lazarkiewicz (“La Voix d'Aida”, “L'Ombre de Staline”) signe la musique du documentaire polonais de Maciek Hamela qui recueuille à bord d’un véhicule polonais qui sillonne les routes d'Ukraine le témoignages des personnes évacuées à la suite à l'invasion russe. Le van devient ainsi un refuge. Face à la gravité du sujet, le documentariste ose accueillir la musique. Et le compositeur polonais parvient à rendre hommage aux victimes de la guerre, avec ses notes tenues, aériennes ou dissonantes, et un choeur. A sa juste place, elle n’est jamais en surplomb. • Interview du compositeur

Le Ravissement (Iris Kaltenbäck ) - BO : Alexandre de La Baume (Semaine de la Critique) 

Alexandre de La Baume signe la musique du drame de Iris Kaltenbäck sur une sage-femme (Hafsia Herzi) qui commet un acte délictueux pour se faire passer pour une mère. La partition participe au mensonge par ses timbres doux (guitare, flûte, violoncelle, clarinette) faisant exister le lien maternel. La tonalité lumineuse crée un cocon maintenant l’illusion du compagnon, et convoquant l’imagerie du bonheur, même si certaines notes plus climatiques entretiennent la tension. • Interview du compositeur

Coup de coeur (film avec emploi de musiques préexistantes)

Les Feuilles mortes (Aki Kaurismäki ) (Compétition) 

Aki Kaurismäki renoue avec ses personnages issus du prolétariat ("Shadows in Paradise", "Ariel", "La Fille aux allumettes"...). La rencontre de deux personnes solitaires, Ansa et Holappa, par hasard une nuit à Helsinki est le départ d’une quête d’amour et de bonheur alors que les obstacles entravent l’idylle (un accident, la perte d’un numéro). Comme toujours chez le cinéaste finlandais, la simplicité est émouvante, l’humanité est éclatante, quand une incapacité à s’exprimer par les mots laisse les paroles de chansons (entendues à la radio, ou bien jouées par un groupe dans un bar) relater la pensée et situations des personnages, avec un zeste d’ironie (jouant un lien, un dialogue, qui n’a pas lieu). Les artistes incluent des noms connus en Finlande tels que Olavi Virta, Janne Hyytiäinen et The Hurriganes, ainsi que des classiques internationaux comme le tango Carlos Gardel et une sérénade de Franz Schubert.

Autres présences musicales

Asteroid City (Wes Anderson) - BO : Alexandre Desplat (Compétition) 

Alexandre Desplat retrouve Wes Anderson après “Fantastic Mr. Fox” (2010), “Moonrise Kingdom” (2012), “The Grand Budapest Hotel” (2014), “L'Île aux chiens” (2018), “The French Dispatch” (2021) pour la partition la moins marquante du tandem, sans thème évident, ni présence de premier plan au montage, même si nous retrouvons une instrumentation familière et variée (des percussions, des flûtes et piccolo, une harpe, des violons, une clarinette, des cuivres). Le réalisateur a qualifié cette partition à la conférence de Cannes en ces termes : "Il joue juste deux notes en les répétant, il n'y a pas beaucoup de musique dans le film, mais son inspiration donne une forme au film"

En revanche, de nombreux titres préexistants constituent toujours le cinéma de Wes Anderson, dans une variété d'artistes et de styles, comprenant du bluegrass avec "Lost Train to San Fernando" de Johnny Duncan & the Blue Grass Boys, du country avec "Ida Red" de Bob Wills & his Texas Playboys et du western swing avec "Steel Guitar Rag" de Bob Wills & his Texas Playboys, ainsi que des standards de la musique populaire tels que "How High The Moon" de Les Paul & Mary Ford et "Out of Nowhere" de Bing Crosby, et même une chanson indie moderne "You Can't Wake Up If You Don't Fall Asleep" de Jarvis Cocker. Le cinéaste a aussi écrit avec Jarvis Cocker le titre “Dear Alien”. 

Le Jeu de la Reine (Karim Aïnouz ) - BO : Dickon Hinchliffe (Compétition) 

Dickon Hinchliffe (multi-instrumentiste et membre fondateur du groupe britannique Tindersticks) signe la musique du biopic historique britannique de Karim Aïnouz qui avait fait appel à Benedikt Schiefer sur "La Vie invisible d'Euridice Gusmao" (2019) et "Le marin des montagnes" (2022). Après des films intimes au bord du documentaire, le réalisateur a répondu à un projet de commande pour aborder ce récit historique en costume sur Catherine Parr (Alicia Vikander), la sixième femme du roi Henri VIII (Jude Law). Le compositeur propose des cordes tourmentées et agitées de premier plan tandis que le film se clôt au générique sur “Down by the river” de PJ Harvey. 

Club Zero (Jessica Hausner ) - BO : Markus Binder (Compétition) 

Markus Binder signe la musique du thriller autrichien de Jessica Hausner, qui enferme ses personnages en huis-clos comme dans un laboratoire pour étudier leur fonctionnement et relater leur embrigadement pour cesser de s'alimenter. Un tambour répétitif prolonge l’idée d’une cérémonie ritualisée, proche d’une musique sacrée. La cinéaste travaille pour la première fois avec un compositeur après avoir utilisé des titres préexistants de Teiji Ito sur son précédent film "Little Joe". Le compositeur a pu travailler de près avec la réalisatrice dès les premières étapes de la production, lui permettant de saisir l'atmosphère et la tonalité du film bien avant le tournage. Il a utilisé divers instruments du monde entier pour créer une sonorité unique, en s'inspirant des tambours africains et asiatiques traditionnels, mais aussi de la musique électronique et techno par sa répétitivité. La BO est déjà disponible. 

par Benoit Basirico


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