Interview BO : Laetitia Dosch & David Sztanke, Le Procès du chien

Cannes 2024 (Un Certain Regard)

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Propos recueillis à Cannes par Benoit Basirico

- Publié le 23-05-2024




David Sztanke signe la musique de la première réalisation de l'actrice Laetitia Dosch, "Le Procès du chien" (au cinéma le 11 septembre 2024, après sa présentation à Cannes / Un Certain Regard), qui incarne une avocate abonnée aux causes perdues, dont la prochaine affaire concerne un chien. La comédie est accompagnée d'un motif régulier de quelques notes de flûte, insufflant une fantaisie et soutenant la voix off qui nous raconte l'histoire, tandis que le récit se dote d'atours plus dramatiques.

Cinezik : Quelle est la place de la musique dans votre parcours artistique et à quel moment est-elle intervenue dans le processus de création de ce premier film ?

Laetitia Dosch : En fait, tout le travail sonore du film a été pour moi une véritable révélation. Je ne fais pas de distinction entre la musique et le travail sonore, pour moi, ils sont indissociables. Ils vont changer, nourrir et éclairer le point de vue, l'atmosphère et la puissance de la scène. C'est quelque chose de très précieux que j'ai malheureusement compris très tard. Mon musicien, David Sztanke, est arrivé très tard, en fin de montage, parce que je n'étais pas prête avant et je ne me rendais pas compte de l'importance de ce travail. Je pense que ça a été une erreur, mais nous nous en sommes bien sortis. Au montage, nous avons commencé à mettre des maquettes sur des scènes où nous savions que nous aurions besoin de musique. Nous avions déjà des musiques en tête pour certains moments, et à d'autres moments, David a proposé des musiques qui convenaient à l'atmosphère que nous cherchions. La musique était particulièrement difficile à trouver parce que le film oscille entre comédie et drame et pose de vraies questions. Une musique trop « mignonne » ou « rigolote » n'aurait pas fonctionné et aurait emmené le film ailleurs. Il fallait trouver des musiques qui apportent de la drôlerie tout en gardant les questions que le film pose, ce que nous avons souvent trouvé en donnant de l'ampleur.

David est intervenu donc au montage. Est-ce que le montage avait été fait à partir d'autres musiques, comme c'est très souvent le cas avec des musiques temporaires ?

L.D : Voilà, c'est ça. Nous avions posé beaucoup de musique de "Don't Look Up" (Adam McKay, 2021). La musique correspondait à l'atmosphère que nous voulions créer pour le film : quelque chose de très festif et de très intense, avec des big bands au départ. Finalement, nous n'avons pas tout à fait utilisé des big bands, mais nous voulions créer cette ampleur-là.

David, vous avez dû faire oublier à la réalisatrice les musiques préexistantes placées au montage, le temp track. Parlez-nous de cette manière d'intervenir tard sur un montage déjà balisé ?

David Sztanke : C'est vrai que quand ils m'ont appelé, ils avaient déjà fait un essai ou deux avec des compositeurs, mais cela n'avait pas fonctionné. Quand j'ai commencé à travailler sur le film, il devait rester dix jours de montage. Le montage était donc déjà bien avancé, et c'était à moi de m'adapter à lui, et non l'inverse. À ce moment-là, ils avaient trouvé le rythme du film. J'ai apprécié de commencer à ce stade parce que c'était intéressant de travailler sur un ensemble solide. En général, quand il n'y a pas le fameux temp track, cela demande une recherche que les réalisateurs n'ont pas toujours la patience de faire. Eux avancent beaucoup au montage, tandis que moi, je travaille seul sur la musique. Si je suis à côté de la plaque, je risque de m'enfoncer dans quelque chose d' encore plus inadapté en cinq jours. Mais si j'arrive sur un terrain balisé rapidement, je trouve vite la couleur. Je peux toujours me tromper et il nous faut un petit temps de recherche, mais ce n'est pas le même enjeu.

L'enjeu avec David, c'était de faire oublier ces musiques temporaires et qu'il puisse trouver l'unité du film, trouver le thème du film ?

L.D : C'est marrant comment c'est venu parce qu'on essayait plein de choses, et tout d'un coup, à un moment, dans un morceau, il a mis quatre flûtes qui se répétaient : "ta la la la la", "ta la la la", "ta la la la la". Enfin voilà, c'étaient des flûtes, et ça a été ça le thème du film. Nous l'avons repris dans plusieurs passages, à des moments différents et de plein de manières différentes. Nous avons tourné autour de ce thème. Pour moi, ces flûtes représentaient la musique du chien, la musique du sauvage, quelque chose d'étrange qu'on ne pouvait pas tout à fait nommer, de mystérieux, mais en même temps quelque chose de gai, avec un peu de tragédie qui venait au bout d'un moment.

Cette idée de mélodie, un thème central qui revient plusieurs fois à la flûte, permet l'unité de la partition ?

D.S : C'est un petit riff de flûte. En fait, j'aime beaucoup la flûte. C'est un instrument que j'affectionne, je ne saurais pas dire pourquoi. Peut-être une affinité de ma jeunesse, peut-être des résidus de "Pierre et le loup". Au début, nous avons cherché un thème et assez rapidement, nous nous sommes rendu compte que développer un thème trop long serait dangereux, car cela donnerait trop de détails. Je ne voulais pas me mettre au-dessus de la narration. Ce que je voulais, c'était que la narration soit au-dessus de tout ce que j'aurais pu raconter émotionnellement dans ma musique. Au bout de quelque temps, j'ai proposé à Laetitia que ce ne soit pas un thème, mais un riff. Pas une virgule non plus, je fuis ce concept. Mais vraiment, un peu comme « c'est l'heure de tourner la page ». Ce n'est pas une virgule dans le sens où ça ne vient pas ponctuer le film, mais ça vient appuyer un propos. C'est ce motif qui est répété et qui devient très mécanique. C'est ça qui nous a plu. J'adore cet instrument et je trouvais que ça marchait bien. En plus, il se trouve que le chien dans le film est un gros chien, ce n'est pas un petit caniche. J'aimais bien l'idée que la mélodie associée à ce gros toutou soit jouée par une petite flûte.

David, le fait qu'une réalisatrice ne soit pas forcément experte en musique, cela a-t-il été un atout pour vous ? Au-delà de composer la musique du film, vous étiez un conseiller musical ? Et comment avez-vous élaboré un langage commun ?

D.S : Ce que j'ai beaucoup aimé, c'est que Laetitia est une jeune femme extrêmement intuitive. Elle parle de musique sans forcément en avoir le langage, mais ce n'est pas grave. Par contre, elle a le langage de l'émotion, qu'elle aime ou qu'elle n'aime pas d'ailleurs. Par exemple, je pouvais enchaîner quelques accords de piano ou utiliser un son de cuivre sur les maquettes, et si elle aimait, elle se levait, dans le studio, et disait : « C'est ça, c'est ça, plus haut, plus fort, plus haut, plus fort ». Si elle n'aimait pas ou si c'était à côté de la plaque, elle pouvait me dire : « Non, là, je veux du plus doux, plus poétique peut-être, plus ténu, etc. » Elle parlait en termes d'émotion. J'ai trouvé que ça marchait hyper bien. C'était chouette de faire le puzzle de ces émotions et de les retranscrire dans la musique, de parler moins technique et de parler plus musique, en fait. Je suis très heureux de lui avoir fait découvrir des choses. Après, elle parle en termes d'émotion, et ça m'a aussi beaucoup appris. Je ne l'avais pas fait depuis longtemps. Je pense que Martin Caraux, le superviseur, a également pu lui faire des propositions. Je n'ai pas de problème à ne pas parler le langage musical avec les personnes avec lesquelles je travaille. Par exemple, j'ai beaucoup travaillé avec Quentin Dupieux, qui parle musique, il est musicien. Mikhaël Hers parle le langage musical, pareil pour Christophe Honoré. En revanche, Eric Judor ne parle pas le langage de musiciens, comme Élise Otzenberger. Il n'y a aucun jugement de valeur. Un élément important est que souvent le monteur ou la monteuse parle un peu le langage de la musique. Donc, si Laetitia avait du mal à exprimer quelque chose, je savais que je pouvais appeler Suzana Pedro, la monteuse du film, avec qui je me suis très bien entendu.

Ce film, qui est le procès d'un chien, commence comme une comédie et progressivement glisse vers quelque chose de beaucoup plus sombre. C'est une comédie qui vire au drame. Quelle a été la manière de trouver le ton juste entre les deux ?

D.S : C'était vraiment une recherche à deux, mais c'est tout à fait vrai. C'est une comédie déjà grinçante, qui joue beaucoup sur les clichés de la comédie. On se moque un peu du féminisme, mais en fait, on va parler de féminisme. On se moque un peu des droits des animaux, mais en fait, on va parler du droit des animaux. Laetitia a été assez forte dans la manière de ficeler son scénario. Même lorsqu'elle caricature, c'est au service d'une cause, ce n'est pas gratuit. L'humour de Laetitia n'est pas gratuit. Moi, il fallait que je me débrouille déjà dans l'instrumentation. Par exemple, il y a un moment où j'ai écrit un morceau pour un big band qu'elle a adoré tout de suite. Mais c'est un film où il y a beaucoup de dialogues. Assez rapidement, elle m'a dit : « Oui, mais le problème, c'est que si je mets ton morceau de big band, j'adore, mais on n'entend plus ce qui se dit par-dessus. » Nous avons donc trouvé le ton entre les dialogues, la comédie et le drame. Sans trop spoiler, cela devient vraiment un drame à la fin. Mais pendant longtemps, nous restons sur un registre assez léger, qui s'aggrave progressivement.

L.D : Les musiques dans ce film sont de nature très différente. Certaines sont plus satiriques, d'autres classiques comme Beethoven, Rachmaninov, Mozart, que j'ai découvertes grâce à mon monteur son. Ces musiques classiques ont été remontées pour apporter un côté satirique au film. Cela contraste avec les musiques que nous avons trouvées avec David, qui forment vraiment le fond du film. La musique évolue constamment, que ce soit dans les placements ou les instruments. Au mixage, nous avons ajusté certains instruments, les avons mélangés avec des sons réels comme des klaxons, des bruits de foule en liesse. Tout ce travail a été fait avec David, mais aussi avec de nombreux interlocuteurs tout au long de la chaîne de post-production. Même dès l'écriture du film, certaines musiques étaient présentes, comme "N.E.M" de Las Aves et "Oiseau" de Bertrand Belin et Laurent Bardainne. C'est un processus en mouvement. Avec David, nous avons beaucoup expérimenté, il a ensuite apporté des maquettes, enregistré avec des musiciens talentueux, et j'ai pu assister à tout cela, avec des personnes incroyables comme un musicien de "Voyou", un batteur exceptionnel, et d'autres instrumentistes qui ont ajouté une couche supplémentaire de beauté à son travail.

L'absence de musique est parfois une question musicale en elle-même. Par exemple, il y a de très belles scènes avec le voisin de palier, un enfant avec lequel elle entretient une relation un peu trouble. Ces scènes sont sans musique. Est-ce une volonté de ne pas soutenir un certain sentimentalisme ?

L.D : Oui, et ces moments avec le voisin sont souvent des scènes de nuit où les gens peuvent enfin se parler. L'idée était de leur faire de la place. Nous avons ensuite composé des sons très fins de passages de voitures, de sirènes au loin, comme dans ces séries new-yorkaises où l'on entend la ville en fond sonore. Il fallait des sons réalistes pour ne pas détourner du présent de la scène.

D.S : Au début, nous avions mis de la musique sur cette histoire parallèle avec le petit garçon. Mais assez rapidement, nous avons compris qu'il n'en fallait pas. L'histoire se suffisait à elle-même. Trouver le ton juste, c'est aussi savoir se taire. Cela a impliqué beaucoup d'écoute et de confiance envers Laetitia. Par exemple, il y a une scène où l'on voit la démesure des réactions sur Internet au sujet du procès du chien. Les gens deviennent fous, se disputent sur l'euthanasie, la culpabilité ou l'innocence du chien. Laetitia disait intuitivement : « Là, il faut un truc qui sature, quelque chose qui va beaucoup trop loin. » Trouver le ton juste, pour moi, une fois l'instrumentation et les rythmiques verrouillées, c'était beaucoup écouter Laetitia, car elle avait ce film en tête bien plus longtemps que moi.

L.D : Dans cette scène des réseaux sociaux, il y a la musique de David et les cris des gens. Avec la musique de David, j'ai souvent essayé que cela compose une chanson avec les paroles et les bruits du film, pour que cela forme une harmonie ensemble.

La question du placement, c'est aussi l'idée de ne pas avoir de musique quand on est au tribunal...

D.S : Pendant longtemps, il y en a eu un tout petit peu. Nous nous sommes beaucoup interrogés sur la musique pour le verdict, qui finalement s'est résumée à une sorte de note tenue, une espèce de drone bas-médium. On ne peut pas chanter la note réellement. Au fil de notre travail sur le film, nous avons trouvé un équilibre. Quelle scène méritait de la musique ? Quelle scène n'en méritait pas ? Et pourquoi ? Nous nous motivions avec des arguments recevables. Parfois, c'était moi, parfois Laetitia, parfois Martin Caraux, et j'imagine que la boîte de production a aussi eu son mot à dire. Finalement, nous sommes arrivés à ce mélange.

La musique amène votre film dans une autre dimension...

L.D : Je ne dirais pas qu'elle l'amène dans une autre dimension, mais qu'elle l'approfondit dans sa propre dimension. Par exemple, il y a une scène que nous avons failli couper plusieurs fois au montage, la première scène du film dans le bar. Il manquait quelque chose à l'atmosphère, ce n'était pas la bonne. Cette scène a été trouvée en ajoutant Beethoven comme musique de fond, et là, nous avons trouvé la scène. La musique m'a souvent sauvée dans ce film.

Vous mentionnez la chanson de Bertrand Belin. J'ai trouvé un lien entre cette chanson et la musique originale de David Sztanke, notamment la flûte qui est présente dans les deux.

L.D : Je crois que c'est aussi la même tonalité de notes. Nous tournons toujours autour du même registre de notes. Je ne sais pas comment le nommer, mais ce sont probablement mes notes sans que je le sache, et David a réussi à les comprendre. Je ne sais pas ce que c'est, mais les notes qu'il a trouvées pour les deux flûtes étaient une évidence.

D.S : Au début, j'ai fait deux ou trois propositions pour la musique du verdict. Je me suis inspiré de la rythmique du piano dans la chanson. Quand Bertrand Belin chante « Si j'étais un oiseau », on entend une sorte de pompe au piano derrière. Mais la flûte est complètement le fruit du hasard.

Laetitia, c'est votre premier film, mais ce n'est pas votre première création. On a pu vous voir sur scène également. Est-ce qu'il y a un lien pour vous dans le travail musical ou est-ce complètement différent ?

L.D : C'est vrai que j'écris mes pièces de théâtre, mais ce qui est vraiment différent, c'est que le travail au théâtre se fait simultanément. Nous n'avons pas de distance, tout se marie directement sur le moment. Au cinéma, nous rebondissons sur l'étape précédente, inventant la musique au fur et à mesure du montage. Ce qui m'a vraiment étonnée, quand je regarde désormais des films, notamment ceux de Paul Thomas Anderson et de Kubrick, c'est la proximité entre la musique et le travail sonore. Pour moi, toutes les ambiances sonores et la musique racontent ce qui est en plus de ce qui est raconté par les corps et le texte. Il s'agit de décider ce qu'on enlève, ce qu'on garde. C'était un travail passionnant. Je regrette d'avoir mis autant de temps à le comprendre, j'ai perdu du temps en fait.

David, vous êtes-vous inspiré de certains sons du film ?

D.S : Oui, complètement. Et je sais que Laetitia a beaucoup travaillé avec le monteur son, Vuk Vukmanovic. Il y a de beaux moments de silence dans le film de Laetitia qu'il ne fallait pas rompre. C'était important de travailler avec les sons du film. Par exemple, les sons de la rue lors de la scène de manifestation. Il fallait que je m'insère dedans. J'ai utilisé des hautbois, des cors anglais, des choses comme ça. Ce n'était pas facile, mais nous avons trouvé la solution et le monteur son a très bien travaillé là-dessus, je trouve.

Il y a aussi un ou deux moments où le son s'éteint totalement pour que la musique prenne le relais au premier plan.

D.S : Complètement. C'était déjà une volonté au montage. Je pense particulièrement au verdict. Moi, je n'ai jamais entendu le son du verdict. Quand Mathieu Demy, le juge, commence à dire "Aujourd'hui, dernier jour du procès, blablabla", il a été décidé que le son se baisse et que nous sommes dans le silence. La scène m'a été envoyée muette. Je n'ai donc jamais entendu ce que Mathieu Demy disait à ce moment-là. Cela a toujours été un choix esthétique et artistique de Laetitia et du montage.

Avez-vous cherché à caractériser le chien à travers la musique ?

L.D : La musique, je crois, nous raconte quelque chose par rapport à Cosmos, le chien : qu'il sera toujours plus mystérieux que ce qu'on pense de lui. Il y a toujours une dimension qu'on ne comprendra pas. C'est ce que j'ai essayé de dire avec ce film à travers ce chien : l'altérité. On ne peut pas le comprendre, le juger, car il est trop différent de nous, même s'il est l'animal domestique le plus proche de l'humain. À travers lui, nous ne pouvons pas comprendre toutes les espèces vivantes comme nous comprenons un humain, mais nous pouvons les considérer, ce que nous ne faisons pas assez. Nous représentons seulement 0,99% des êtres vivants sur Terre, ce qui n'est pas beaucoup. Ce sont de belles paroles, mais je ne sais pas trop quoi en faire au quotidien. Il y a aussi tout un travail sonore, donc musical pour moi, qui a été fait sur le personnage de Cosmos, le chien. Raphael Sohier, le monteur des dialogues, a re-caractérisé un peu le chien, créant une sorte de musique propre à lui. Ce que vous voyez à l'image et ce que vous entendez sont musicalisés, comme sa propre musique. Par contre, la musique de David raconte pour moi quelque chose de très simple mais qui éveille du mystère, quelque chose qu'on ne saisit pas complètement. La musique ne ferme jamais le sens avec ce chien, je trouve.

Il n'y a pas eu la tentation de faire du Mickey Mousing, de créer une musique spécifique pour le chien ?

D.S : Pas du tout, justement. Tout le sujet du film est de savoir s'il est une personne ou un objet, s'il sera traité comme une table ou comme un jeune adolescent. Laetitia penche clairement vers une vision très humaine de ce personnage. C'est un acteur du film, pas un détail ou une mascotte. Il n'était pas question de faire une illustration Disney de dessin animé, même si cela aurait pu être drôle par moments. Il y a juste un petit "ouah" au début de deux ou trois morceaux, un sample pour signaler l'action, mais c'était plus par rapport au rôle d'avocate de Laetitia. Non, nous n'avons pas voulu faire cela, car sinon, nous aurions orienté la réponse du film.

La dimension narrative de la musique, comment elle suit le parcours du récit, passe aussi par la voix off, on est aussi dans un conte, avec cette voix off qui relate le récit. Y avait-il un lien à faire avec la musique ?

L.D : Ah bah oui, carrément ! La voix off est parfois, au moins sur quatre ou cinq moments, accompagnée par la musique. Elle commence et finit avec la musique, elles sont en parallèle. La voix off était écrite en fonction de la musique, et nous faisions des allers-retours avec David à ce sujet. La voix off, je l'ai vraiment composée jusqu'à la fin du mixage, et c'est comme une chanson, c'est la musique et les paroles d'une chanson.

D.S : Elle a mis beaucoup de temps à l'enregistrer, parce qu'au fil de mon travail sur la musique, elle réévaluait le ton de sa voix off. J'ai trouvé cela admirable, car je sais que c'est un gros travail, les voix off. C'est un gros travail d'écriture et d'interprétation. C'est une super comédienne, mais chaque fois que je proposais quelque chose, quand c'était sous la voix off, elle me disait : « Il va falloir que je vois ce que devient la voix off là-dessus ». La voix off était mon alter ego sur certains passages. Il ne fallait pas troubler l'intention de la voix off. Mais en même temps, la réalisatrice me disait : « J'entends beaucoup de musique à ce moment-là ».

Est-ce que d'autres films et d'autres utilisations musicales dans les films ont pu vous inspirer pour guider ce travail-là ?

L.D : En fait, j'admire beaucoup le travail sonore de Paul Thomas Anderson et la manière dont il marie la musique de Jonny Greenwood aux sons réels. C'est absolument magnifique et somptueux, tout comme Kubrick qui marie les deux.

D.S : Nous nous sommes facilement retrouvés sur cela, car j'adore le cinéma d'Anderson. Elle avait aussi des choses qu'elle n'aimait pas. Par exemple, il m'est arrivé de proposer deux ou trois morceaux pendant la phase de recherche, et elle m'a dit : « Ça, je n'aime pas, ça, je ne le sens pas. » Il y a une scène assez comique avec un comité de réflexion autour du personnage du chien, un comité éthique. Elle a mis des musiques classiques avec de grandes envolées de cordes. Au début, j'avais proposé quelque chose avec une guitare électrique sur des cordes. Elle m'a dit un truc très recevable : « J'aime beaucoup, mais ce n'est pas mon film. » Donc oui, elle avait une facilité à dire ce qu'elle ressentait ou non.

La version Podcast de l'entretien à écouter ultérieurement.

Propos recueillis à Cannes par Benoit Basirico


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