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Le Traffic Quintet
Quintet à cordes dirigé par Dominique Lemonnier

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Sous la direction du compositeur Alexandre Desplat, la fondatrice du Traffic Quintet et violoniste Dominique Lemonnier conçoit des programmes (La Nouvelle Vague en 2006, Les femmes de cinéma en 2011). Ces musiques arrangées pour quintet de cordes sont à découvrir en CD, ou sur scène.



  Le Traffic Quintet : un nouveau disque et des concerts

Interview Dominique Lemonnier
A propos de "Traffic Quintet, Divine Féminin" - Un disque et un spectacle


Cinezik : Comment la thématique de ce spectacle / album  s'est constituée ?

Dominique Lemonnier : Je voulais faire pour cette deuxième édition un spectacle autour des héroïnes tragiques féminines, c'était mon idée de départ. J'ai trouvé d'abord le titre puis j'ai essayé que cela devienne un spectacle. Je me suis adressé à Pascal Dusapin avec son opéra "Medeamaterial". Il a eu la gentillesse de nous transcrire quelques extraits de son opéra pour le quintet. Le spectacle est composé de quatre tableaux, et à chacun on joue un extrait de l'opéra avec ensuite des héroïnes différentes. La première partie est plutôt composée d’héroïnes meurtrières, ainsi on a choisi BASIC INSTINCT, PSYCHO et VERTIGO. Les choix se sont faits assez naturellement, avec des compositeurs qui ont énormément influencé Alexandre Desplat, comme Bernard Herrmann, Jerry Goldsmith, et Alex North qu’Alexandre adore. Il a d’ailleurs écrit en hommage à Alex North un titre qui s'appelle "Marilyn", comme une rêverie, une improvisation libre autour du thème des MISFITS. 

Comment sont faites les transcriptions musicales ? A partir des partitions originelles ou à l'oreille ?

D.L : On avait une partition d’Alex North et celles de Jerry Goldsmith. C'était très émouvant de voir les scores. Alexandre s'est vraiment plongé dans les partitions et a essayé de synthétiser, de se demander ce que l’on retient de la musique, son essence. Pour BASIC INSTINCT, on a mélangé deux / trois extraits de musique. Pour Bernard Herrmann, c'était plus littérale, on a davantage suivi la partition car c'est une suite pour orchestre à cordes, il y avait moins de travail de transformation des timbres - les arrangements n’ont pas été faits par Alexandre mais par Jean-Pascal Beintus. En revanche sur BASIC INSTINCT, il y a eu énormément de travail parce que l'orchestre était très important. Pour CHINATOWN, il y a eu beaucoup de travail spectral, timbral, pour chercher qui pourrait se rapprocher de ce son-là, comment atteindre une idée synthétique instrumentale. Ce travail que l'on fait avec Alexandre est passionnant. Le quintet lui apporte toute une palette de couleurs dont il peut se servir, en lui proposant par exemple un thème à la contrebasse ou au violoncelle. C’est vraiment agréable de faire toute cette transcription parce que c'est un travail collectif.

En quoi le disque et le spectacle sont-ils liés ou divergents ?

D.L : Nous ne sortons pas un disque sans spectacle. Mais dans le spectacle, il y a la musique de Gabriel Yared pour CAMILLE CLAUDEL, que l'on n'a pas mise sur le disque parce qu’on a dû faire des choix. Aussi, le spectacle commence par "Medeamaterial", alors que l'album commence par BASIC INSTINCT. Ce choix a été fait pour que l'album débute directement dans le vif du sujet. Dans l’album, on retrouve "Medeamaterial" sur la piste numéro 4. On a un peu inversé les ordres. Un spectacle et un disque ne portent pas les mêmes choses.

On a aussi beaucoup aimé jouer Philip Glass, et la musique de THE HOURS, avec cet hommage à Virginia Woolf. Alexandre s'est amusé à inclure VIRGIN SUICIDES, et nous avons pris beaucoup de plaisir à jouer avec le quintet cette musique superbe.

Pour le spectacle, quel est le travail visuel, notamment cette collaboration avec le vidéaste Ange Leccia ?

D.L : Je voulais rendre hommage à un peintre français qui s'appelle Jacques Monory, qui n'a fait que travaillé autour du cinéma américain et de la femme. Nous nous sommes ainsi plongés dans son oeuvre avec Ange, nous sommes allés dans son atelier, où nous avons filmé quelques toiles qui correspondaient à des thèmes. Nous avons par exemple trouvé des correspondances totales entre les toiles de Jacques Monory et des extraits de films comme PSYCHO, c’était extraordinaire, une vraie inspiration directe. 

Ensuite, on ne monte pas les images sans la musique. On fait exactement le contraire d'Alexandre, c'est à dire que j'apporte les musiques, elles sont là, on ne peut pas y toucher, et ce sont les images qui viennent se mixer à la musique.

Quelle est pour vous l'identité musicale, la personnalité, du Traffic Quintet ?

D.L : Il y a dans notre démarche avec le Traffic un aspect assez radical où toute illustration, où tout accompagnement, est un peu gommé pour essayer de faire de cette petite miniature qu'est le quintet à cordes une entité, un son à part, un développement de modes de jeux qui je l’espère définit notre identité.

Je voudrais justement remercier à cette occasion mes musiciens, qui sont toujours les mêmes et qui ont la patience et le talent de rester, et l'envie, le désir de toujours découvrir de nouvelles musiques. C’est vraiment un travail à part de faire ces transcriptions, cela demande une réelle patience parce qu’il faut essayer, remanier chaque transcription. C'est un vrai travail collectif où il faut beaucoup de patience, de répétition, et je les remercie ici très chaleureusement de cette collaboration avec moi et Alexandre.

Que faisait le Traffic Quintet entre les premier et deuxième spectacles, entre 2007 et 2011 ? 

D.L : On a enregistré trois/quatre bandes originales avec le quintet pour des BO d'Alexandre comme L'ARMEE DU CRIME, FANTASTIC MISTER FOX ou bien LUST, CAUTION. On a aussi donné beaucoup de concerts un peu partout, et puis la création de ce "Divine Feminin", l'enregistrement à Strasbourg en septembre 2009. Pendant six mois, il y a eu une petite pause avant de se lancer sur la scène parisienne.

Que représente le Traffic Quintet pour Alexandre Desplat, hormis le fait de jouer ses BO ou des hommages à ses compositeurs fétiches ?

D.L : Le Traffic Quintet vit sa vie d'une manière très indépendante vis à vis d'Alexandre. Je travaille avec Alexandre pour le choix des musiques, les transcriptions, pour faire les essais, et une fois que les transcriptions sont acceptées et signées, le Traffic Quintet travaille tout seul. Nous ne sommes pas non plus l'ensemble d'Alexandre, nous ne sommes affiliés d'une manière systématique.

Le Traffic Quintet peut -il profiter de la notoriété internationale actuelle du compositeur ?

D.L : On pourrait en profiter évidemment, d'ailleurs on en profite, car il y a plein d'endroits où nous sommes allés jouer parce qu'Alexandre était l'invité.

Propos recueillis à Paris le 26 janvier 2011 par Benoit Basirico


 

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