Sauf le respect que je vous dois   (2005)

• Fabienne Godet • •   •

• Musique originale composée par Dario Marianelli

Entretien avec le compositeur Dario Marianelli (Les Frères Grimm, Orgueils & Préjugés) et avec le producteur du film, Bertrand Faivre.

[© Texte : Cinezik] •

Sauf le respect que je vous dois





Sortie de la BO

Original Score [musique originale] • Production : Haut et Court / Le Bureau

Tracklist (de la BO en CD ou Digital)

01 - Poursuite (1:18)
02 - Seul sur le parking (1:14)
03 - En cavale (0:45)
04 - Un après-midi avec Simon (1:05)
05 - Simon a disparu (1:10)
06 - Aiguisant les crayons (2:26)
07 - Retour à la maison (1:44)
08 - Poursuite 2 (1:02)
09 - Dans le bar (1:17)
10 - Nuits à Paris (1:04)
11 - Dîner avec Lisa (1:33)
12 - On est suivi (1:07)
13 - La voie ferrée (4:03)
14 - Sérénité (0:45)
15 - Ne plus avoir peur (7:13)

Total : 27:45

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Autour de cette BO

Entretien avec Bertrand Faivre
producteur du film « SAUF LE RESPECT QUE JE VOUS DOIS »

Pourquoi n'y a-t-il pas de CD pour la musique de SAUF LE RESPECT QUE JE VOUS DOIS ? Dario Marianelli est pourtant un compositeur qui monte !

Non seulement Dario est un compositeur qui monte, mais il n'a pas fini de monter ! Il est tellement original par rapport aux autres compositeurs de film que je crois que sa musique ne va pas s'user avec le temps… Pourquoi on n'a pas fait de CD ? Parce que c'est pas le premier film que je produi s … Si ça avait été le premier, j'aurais été extrêmement attaché à l'idée qu'il y ait un CD. Et à mon avis, pas forcément pour les bonnes raisons…

La musique de film se vend peu, ça vous le savez. Quelques BO se vendent beaucoup, mais de manière assez paradoxale, c'est pas forcément lié au fait que le film marche : je ne suis pas sûr que la BO des BRONZÉS 3 va se vendre beaucoup… En revanche, la BO de LA MARCHE DE L'EMPEREUR va se vendre beaucoup.

Parce qu'il y a un produit d'appel : une chanteuse connue, Emilie Simon.

C'est plus compliqué : le film est le produit d'appel. Il n'y a pas de grosses ventes de BO avec un petit film, c'est clair. Notre film est un film d'auteur, dont je suis extrêmement fier, et qui, je pense, va toucher le public auquel il est destiné. Notre hypothèse de succès est à 200 000 entrées en France, pas deux millions, ni cinq. Il peut toujours y avoir des surprises, mais en général, en fonction du profil de votre sortie, il y a un profil de succès possible. Dans notre cas, la musique est au service du film, et pas en avant du film. Dans AMÉLIE POULAIN, la musique devient une ritournelle, c'est plus qu'un personnage : elle peut vivre indépendamment du film. A la fois parce que le film la sert bien, et c'est réciproque, mais surtout parce qu'elle illustre quelque chose qui dépasse le film. La musique d'AMÉLIE POULAIN devient même symbolique de la France, grâce aux accordéons de Yann Tiersen. Je ne suis pas spécialement fan de ce que fait Emilie Simon, mais dans LA MARCHE DE L'EMPEREUR, elle illustre autre chose que juste le film : un certain rapport à la nature, des histoires animales, une idée de la pureté… Et la musique des CHORISTES a évidemment d'autres raisons d'exister au-delà du film, mais il y a très peu de musique comme ça.

Peut-être que votre prochain film, TRUE NORTH, sera plus adapté à une bande originale qui va justement au-delà des images ?

Je ne sais pas encore. Le leitmotiv du réalisateur, Asif Kapadia, c'est « less is more ». Moins il peut exprimer par les dialogues, plus il sera content : donc forcément, la musique et la caméra expriment beaucoup plus que dans un film très dialogué. Ce qui est à l'inverse du cinéma britannique en général qui est hérité de la télévision où ça parle beaucoup. Je n'ai pas écouté ce que Dario a fait pour le film et ce que Asif a emporté avec lui à Los Angeles, sur les quatre minutes d'images démo qu'on a.

Je pense que la musique de film, c'est pour les gens curieux. LA LIGNE ROUGE, par exemple, je peux me la mettre en boucle… Il ne faut pas parler de ça à Fabienne Godet non plus, elle a vu le film dix fois, elle adore… Je l'ai moi aussi dans mon ordinateur, je vais toutes les semaines à Londres, et c'est ça que j'écoute… Et je peux faire n'importe quoi, tout va bien. C'est la grâce. Je sais ne pas si le CD s'est bien vendu.

Dans le milieu de la musique de film, dès que ça commence à se vendre, c'est suspect…

Oui, mais la musique d'AMÉLIE POULAIN, je la trouve très belle et très originale. En tout cas, quand Yann Tiersen est arrivé sur le marché, je n'avais jamais entendu ça. Il se trouve que ça collait parfaitement avec un film qui, en plus, est devenu un carton. Donc il y a eu une résonance particulière, un mode de vie à la française … mais je ne vais pas me mettre à détester la musique parce que les gens l'utilisent pour autre chose ! C'est du snobisme pur et simple ! Je ne suis pas mélomane, j'ai un rapport assez simple à la musique : ça m'émeut, ça m'émeut pas, ça m'intéresse, ça me paraît étonnant, etc… Mais pour en revenir à Tiersen, il y avait déjà ça dans LA VIE RÊVÉE DES ANGES, en dehors du film et de son sujet, qui me touchent beaucoup, je suis rentré en résonance avec l'univers musical du compositeur. Je ne vais pas bouder mon plaisir !

Ce que j'aime chez Dario, c'est qu'il n'est pas là pour autre chose que le film : vous l'avez entendu, il n'est pas là pour amplifier ou surligner les images, il est là pour éclairer et enrichir le film. Il était assez gêné à l'idée de participer à un débat sur la musique avant la projection, il aurait été plus à l'aise pour parler du film. Après, la raison économique… il faut savoir que c'est un film extrêmement atypique. Il s'est fait sans aucune chaîne de télé. C'est rare d'arriver à produire un film terminé qui n'a pas à rougir face aux autres films dans de telles conditions, surtout quand ce n'est qu'un film simplement divertissant. On a fonctionné avec des enthousiasmes de personnes, pas avec un système. C'est un peu une anomalie, ce film. Les acteurs sont venus parce que ça leur a plu, pas pour le salaire, et c'est le cas de toute l'équipe. Dario a casé ça entre LES FRÈRES GRIMM et ORGUEIL & PRÉJUGÉS parce qu'il trouvait que c'était un bon film, il n'avait pas besoin de ça pour vivre… Ce film ne s'est pas fait sur le besoin mais sur l'envie. Le film est émouvant, le public qui ira le voir, et qui travaille dans la société civile, les écoles, les entreprises, sera touché, car ce n'est pas un film qui dit « c'est comme ça », mais « on a toujours le choix ». J'espère qu'on aura un potentiel de succès de l'ordre de celui de RESSOURCES HUMAINES ou VIOLENCE DES ÉCHANGES EN MILIEU TEMPÉRÉ. Mais ce n'est pas ça qui garanti des ventes de disques.

Et malheureusement, même le nom de Dario Marianelli ne garantie pas de ventes…

Dario n'est pas connu en France, et même chez les connaisseurs. Editer le CD, j'aurais pu le faire pour deux raisons : d'abord, une espèce de coquetterie personnelle, pour dire « moi aussi je veux mon CD », et ensuite, un argument de promotion du film. Mais ça, cela demande un compositeur connu du public français, et ce n'est pas le cas de Dario. Quand à éditer un CD un jour, si un label veut se replonger sur les partitions inédites de Dario, pas de problème : j'ai les bandes. La musique de Dario, c'est comme le bon vin : ça se bonifie en vieillissant. Mais croyez-moi, je me suis battu pour énormément de choses sur ce film… Ça fait six mois qu'on travaille sur la sortie, et je consacre l'essentiel de mon énergie pour que le public ait envie d'aller voir le film. Pour moi, le CD n'est pas un élément essentiel. Il y aura certainement de fins connaisseurs que ça pourrait satisfaire, mais si j'ai édité un « Multimédia Press Kit » sur lequel on peut écouter la musique, c'est pour que ces gens-là aient la musique s'ils le veulent. Et je pense que ceux qui sont intéressés peuvent l'avoir.

Sur Cinezik.org, par exemple…

Oui, et moi ça me va ! Je suis ravi que vous vous intéressiez à Dario, parce que c'est un type formidable qui fait un boulot formidable. Donc oui, je suis un commerçant, mais je suis avant tout un type qui essaie de faire des films que les gens ont envie d'aller voir. Et si possible, des films qui ne travaillent pas sur « le temps de cerveau disponible ». J'essaie de parler à l'autre partie du cerveau…

Comment s'est retrouvé le morceau « Sacrifice » de Lisa Gerrard (entendu dans THE INSIDER de Machael Mann) dans SAUF LE RESPECT QUE JE VOUS DOIS ?

Fabienne écoutait ça en boucle pendant l'écriture du film, avec LA LIGNE ROUGE et THE WARRIOR de Dario. Quand on fait un montage de film, surtout dans les moments d'émotion où les personnages ne parlent pas et où c'est la musique qui fait tout, il faut mettre de la musique, ne serait-ce que pour soi, pour se rendre compte de l'effet du montage, si c'est trop long, trop court, etc. C'est le « temp track », des musiques temporaires destinées à être remplacées. Dans notre cas, cette musique était placée pour cette scène après le suicide. Et ça collait parfaitement avec le montage. Evidemment, économiquement, j'aurais préféré que ce soit Dario qui le fasse dans le cadre de son contrat. Il a fait une musique pour cette séquence, mais à aucun moment il n'est parvenu à créer ce qu'il fallait. Ce qu'il nous a proposé nous paraissait moins parfait que ce qu'on avait entendu cinquante fois. Alors peut-être que c'était parce qu'on l'avait entendu cinquante fois qu'on s'était habitué à ce morceau. Mais c'est là qu'il est génial : j'en connais qui aurait dit : « si c'est pas mon morceau, alors vous n'aurez pas les autres ». Dario est là au service du film, il ne s'impose pas. Finalement son morceau s'est retrouvé à la fin, sur la scène de la voie ferrée. Il y a trois « mouvements » qui suivent l'évolution du personnage : le cri intérieur qui correspond au moment du suicide, où le personnage ne peut pas parler ; le renoncement, au moment où il marche sur la voie ferrée et où il renonce à lutter, et une espèce de sérénité à la fin (« il ne faut pas avoir peur »). Il s'agit de trois passages clés du film où seule la musique raconte ce qui se passe, les sentiments du personnage. Il y a deux musiques de Dario, et une qui n'est pas de Dario. Je ne pensais pas avoir les droits pour le morceau de Lisa Gerrard, mais puisque Fabienne semblait insister, j'ai appelé. J'ai eu les droits. Mais aussi parce que ce n'est pas une musique originale, mais un morceau de DEAD CAN DANCE.

Ça coûte pourtant plus cher d'acheter les droits d'une musique préexistante ?

Ça dépend des cas. Pour SAUF LE RESPECT QUE JE VOUS DOIS, on avait un budget musique d'environ 50 000 euros, comprenant le cachet de Dario, celui de son agent, mais aussi les frais d'enregistrement, le salaire des musiciens, le mixage, etc… Je sais que Dario sait s'adapter à cela. Beaucoup de compositeurs anglais travaillent comme ça. C'est pourquoi il ne fera pas d'orchestre symphonique qui nécessite 200 musiciens… De même, quand Lisa Gerrard a fait son morceau, le fait qu'il soit utilisé dans un film est un « plus ». S'il est utilisé, elle ne demandera pas la même somme pour les droits selon que le film en question est une production hollywoodienne à 50 millions de dollars et un film français à deux millions d'euros. Je pense que le prix auquel on l'a acheté n'a rien à voir avec le prix auquel l'a acheté Michael Mann. Mais j'aime aussi beaucoup l'utilisation qu'il en a faite dans son film, par ailleurs. Cette musique marche bien dans les deux films : elle exprime bien cette idée du cri qui ne peut pas sortir.

Entretien réalisé à Paris par Sylvain Rivaud et Damien Deshayes, suite à une avant-première en présence du compositeur.

Le Film

Réalisé par Fabienne Godet

Sortie au cinéma: --2005 (France) -

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